Les Principes qui suivent énoncent des règles générales propres à régir les contrats du commerce international.
Ils s’appliquent lorsque les parties acceptent d’y soumettre leur contrat.(*)
Ils peuvent s’appliquer lorsque les parties acceptent que leur contrat soit régi par les principes généraux du droit, la lex mercatoria ou autre formule similaire.
Ils peuvent s’appliquer lorsque les parties n’ont pas choisi une loi particulière devant régir leur contrat.
Ils peuvent être utilisés afin d’interpréter ou de compléter d’autres instruments du droit international uniforme.
Ils peuvent être utilisés afin d’interpréter ou de compléter le droit national.
Ils peuvent servir de modèle aux législateurs nationaux et internationaux.
(*) Les parties qui souhaitent prévoir que leur contrat sera soumis aux Principes pourraient utiliser le libellé qui suit, en ajoutant toute exception ou modification désirée: “Le présent contrat sera régi par les Principes d’UNIDROIT (2010) [à l’exception des articles …]”.
Les parties qui souhaitent en outre prévoir l’application du droit d’un Etat particulier pourraient utiliser le libellé suivant: “Le présent contrat sera régi par les Principes d’UNIDROIT (2010) [à l’exception des articles … ], complétés le cas échéant par le droit [du pays X]”.
COMMENTAIRE
Les Principes énoncent des règles générales conçues essentiellement pour les “contrats du commerce international”.
1. Contrats “internationaux”
Le caractère international d’un contrat peut être défini de très nombreuses façons. Les solutions adoptées dans les législations nationales et internationales vont d’une référence à l’établissement ou à la résidence habituelle des parties dans différents pays, à l’adoption de critères plus généraux comme le fait que le contrat a “des liens importants avec plus d’un Etat”, qu’il “implique un choix entre les législations de différents Etats”, ou qu’il “affecte les intérêts du commerce international”.
Les Principes ne posent aucun de ces critères de façon expresse. Il faut toutefois donner au concept de contrats “internationaux” l’interprétation la plus large possible, afin de n’exclure en définitive que les situations dans lesquelles il n’existe aucun élément international, c’est-à-dire lorsque les éléments pertinents du contrat en question n’ont de lien qu’avec un seul pays.
2. Contrats “du commerce”
La limitation aux contrats “du commerce” ne vise en aucune façon à adopter la distinction traditionnelle qui existe dans quelques systèmes juridiques entre les parties et/ou les opérations “civiles” et “commerciales”, c’est-à-dire à faire dépendre l’application des Principes de la question de savoir si les parties ont le statut formel de “commerçants” (“merchants”, “Kaufleute”) et/ou si l’opération a un caractère commercial. L’idée poursuivie est davantage d’exclure du champ d’application des Principes ce qu’on appelle les “opérations de consommation” qui sont de plus en plus soumises dans les divers systèmes juridiques à des règles spéciales, impératives pour la plupart, visant à la protection du consommateur, c’est-à-dire une partie qui conclut un contrat autrement que pour son commerce ou sa profession.
Les critères adoptés à la fois au niveau national et international varient également en ce qui concerne la distinction entre les contrats de consommation et les contrats de non-consommation. Les Principes ne donnent pas de définition expresse, mais l’on suppose que le concept de contrat “du commerce” devrait être entendu dans le sens le plus large possible afin d’inclure non seulement les opérations du commerce pour la fourniture ou l’échange de marchandises ou de services, mais aussi d’autres types d’opérations économiques telles que les contrats d’investissement et/ou de concession, les contrats pour des services professionnels, etc.
3. Les Principes et les contrats nationaux conclus entre personnes privées
Bien que les Principes soient conçus pour des contrats du commerce international, rien n’empêche des personnes privées de s’entendre pour appliquer les Principes à un contrat purement national. Tout accord de ce type serait cependant assujetti aux règles impératives de la loi interne régissant le contrat.
4. Les Principes en tant que loi régissant le contrat
a. Choix exprès des parties
Comme les Principes représentent un système de principes et de règles du droit des contrats qui sont communs à des systèmes juridiques nationaux existants ou qui sont mieux adaptés aux conditions spéciales des opérations du commerce international, les parties pourraient avoir intérêt à les choisir expressément en tant que loi régissant leur contrat. Ainsi, les parties peuvent se référer aux Principes de façon exclusive ou conjointement avec telle ou telle loi interne qui devrait s’appliquer aux questions non couvertes par les Principes (voir la Clause-type qui figure en note de bas de page relative au deuxième paragraphe du Préambule).
Les parties qui souhaitent choisir les Principes comme loi régissant leur contrat sont bien avisées de combiner une telle clause de conflit de lois avec une clause compromissoire.
En effet, la liberté de choix des parties dans la désignation de la loi régissant leur contrat est traditionnellement limitée aux lois nationales. Par conséquent, une référence faite par les parties aux Principes sera normalement considérée comme un simple accord visant à les incorporer au contrat, alors que la loi régissant le contrat devra encore être déterminée sur la base des règles de droit international privé du for. Le résultat sera que les parties ne seront liées par les Principes que dans la mesure où ceux-ci ne portent pas atteinte aux règles du droit applicable auxquelles les parties ne peuvent déroger (voir le Commentaire 3 à l’article 1.4).
La situation est différente si les parties s’entendent pour soumettre les différends nés de leur contrat à l’arbitrage. Les arbitres ne sont pas nécessairement liés par une loi nationale particulière. Ceci va de soi si les parties les autorisent à agir en amiables compositeurs ou ex aequo et bono. Mais, même en l’absence d’une telle autorisation, les arbitres sont habituellement autorisés à choisir des “règles de droit” autres que les lois nationales sur lesquelles les arbitres doivent fonder leurs décisions (voir en particulier l’article 28(1) de la Loi-type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international; voir également l’article 42(1) de la Convention de 1965 pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats (Convention CIRDI)).
Conformément à cette approche, les parties seraient libres de choisir les Principes comme “règles de droit” en vertu desquelles les arbitres régleront le différend, le résultat étant que les Principes s’appliqueraient à l’exclusion de toute loi nationale particulière, sous réserve seulement de l’application des règles de droit interne qui sont impératives quelle que soit la loi qui régit le contrat (voir le Commentaire 4 à l’article 1.4).
Pour les différends relevant de la Convention CIRDI, les Principes pourraient même s’appliquer à l’exclusion de toute règle de droit interne.
b. Les Principes appliqués en tant que manifestation des “principes généraux du droit”, de la “lex mercatoria” ou d’une autre formule similaire visée au contrat
Les parties à des contrats du commerce international qui ne s’entendent pas sur le choix d’une loi interne particulière en tant que loi applicable à leur contrat prévoient parfois qu’il sera régi par les “principes généraux du droit”, par les “usages et coutumes du commerce international”, par la lex mercatoria, etc.
Jusqu’ici, une telle référence faite par les parties à des principes et des règles de nature supranationale ou transnationale sans plus de précision a été critiquée, notamment en raison du caractère extrêmement vague de ces concepts. Afin d’éviter, ou au moins de limiter considérablement, l’incertitude accompagnant l’usage de concepts aussi vagues, il pourrait être souhaitable de recourir, pour en déterminer le contenu, à un ensemble de règles systématiques et bien définies comme les Principes.
c. Les Principes appliqués en l’absence de choix d’une loi par les parties
Les Principes peuvent toutefois être appliqués même si le contrat ne dit rien quant à la loi applicable. Si les parties n’ont pas choisi la loi régissant leur contrat, celle-ci devra être déterminée sur la base des règles de droit international privé pertinentes. Dans le contexte de l’arbitrage commercial international, ces règles sont très souples en ce qu’elles permettent à l’arbitre d’appliquer “les règles de droit qu’il juge appropriées” (voir par exemple l’article 17(1) du Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de 1998; l’article 24(1) du Règlement de l’Institut d’Arbitrage de la Chambre de Commerce de Stockholm). Les tribunaux arbitraux appliqueront habituellement une loi interne particulière en tant que loi du contrat, mais peuvent de façon exceptionnelle avoir recours à des règles nationales ou supranationales telles que les Principes. Cela peut être le cas lorsque l’on peut déduire des circonstances que les parties entendaient exclure l’application de toute loi interne (par exemple, lorsque l’une des parties est un Etat ou une agence gouvernementale et que les deux parties ont dit clairement qu’elles n’accepteraient pas l’application de la loi nationale de l’autre partie ou celle d’un Etat tiers), ou lorsque le contrat présente des liens avec de nombreux pays mais qu’aucun ne prédomine au point de justifier l’application d’une loi interne à l’exclusion de toutes les autres.
5. Les Principes comme moyen d’interpréter et de compléter les instruments du droit international uniforme
Les instruments du droit international uniforme peuvent soulever des questions concernant la signification précise de chacune de leurs dispositions et présenter des lacunes.
Traditionnellement, le droit international uniforme a été interprété et complété par le recours à des principes et critères prévus dans le droit interne, qu’il s’agisse de la loi du for ou de celle qui, en vertu des règles de droit international privé, serait applicable en l’absence de droit international uniforme.
Récemment, les tribunaux judiciaires et arbitraux ont abandonné de plus en plus une telle méthode nationaliste et “conflictuelle” et essaient au contraire d’interpréter et de compléter le droit international uniforme par référence à des principes et des critères uniformes autonomes et internationaux. Cette approche, qui a été expressément sanctionnée dans les conventions récentes (voir par exemple l’article 7 de la Convention des Nations Unies de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM)), se fonde sur l’hypothèse selon laquelle le droit international uniforme, même après son incorporation dans les divers systèmes juridiques nationaux, n’en devient partie intégrante que du point de vue formel, alors que, d’un point de vue matériel, il ne perd pas son caractère original d’ensemble de lois développé de façon autonome au plan international et visant à être appliqué de façon uniforme de par le monde.
Jusqu’à présent, il appartenait dans chaque cas aux juges et aux arbitres de trouver de tels principes et critères autonomes pour interpréter et compléter les instruments du droit international uniforme sur la base d’une étude comparative des solutions adoptées dans les différents systèmes juridiques nationaux. Les Principes pourraient, à cet égard, faciliter leur tâche de façon considérable.
6. Les Principes comme moyen d’interpréter et de compléter le droit national
Les Principes peuvent également être utilisés pour interpréter et compléter le droit national. En appliquant une loi interne particulière, les tribunaux judiciaires et arbitraux peuvent avoir des doutes quant à la bonne solution à adopter en vertu de cette loi, soit parce qu’il existe des solutions alternatives différentes, soit parce que cette loi ne semble pas présenter de solutions spécifiques. Notamment lorsque le différend porte sur un contrat du commerce international, il peut être souhaitable de se référer aux Principes comme source d’inspiration. Ce faisant, la loi interne en question serait interprétée et complétée conformément à des normes acceptées sur le plan international et/ou aux besoins spécifiques des relations commerciales transnationales.
7. Les Principes comme modèle pour les législateurs nationaux et internationaux
Du fait de leur valeur intrinsèque, les Principes peuvent également servir de modèle au législateur national et international pour la rédaction d’une législation dans le domaine du droit général des contrats ou de certains types d’opérations particulières. Sur le plan national, les Principes peuvent être particulièrement utiles pour les pays qui n’ont pas d’ensemble de règles juridiques en matière de contrats et qui souhaitent actualiser leur droit, tout au moins en ce qui concerne leurs relations économiques avec l’étranger, par rapport aux standards internationaux actuels. La situation n’est pas très différente pour les pays qui ont un système juridique bien défini mais qui, après les récents changements radicaux dans leur structure socio-politique, ont un besoin urgent de réécrire leurs lois, en particulier celles relatives aux activités économiques et commerciales.
Sur le plan international, les Principes pourraient devenir une référence importante pour la rédaction de conventions et de lois modèles.
La terminologie utilisée jusqu’ici pour exprimer le même concept est très différente d’un instrument à l’autre, engendrant un risque évident d’incompréhensions et de mauvaises interprétations. On pourrait éviter ces divergences si la terminologie des Principes était adoptée comme glossaire uniforme international.
8. Autres utilisations possibles des Principes
La liste, qui figure dans le Préambule, des différentes utilisations possibles des Principes n’est pas exhaustive.
Ainsi, les Principes peuvent aussi servir de guide pour la rédaction des contrats. Les Principes facilitent notamment l’identification des questions à traiter dans le contrat et fournit une terminologie juridique neutre que peuvent comprendre de la même façon toutes les parties impliquées. Une telle utilisation des Principes est appuyée par le fait qu’ils sont disponibles dans un grand nombre de langues.
Les Principes peuvent également être utilisés comme substitut du droit national applicable par ailleurs. C’est le cas chaque fois qu’il s’avère extrêmement difficile, sinon impossible, d’établir la règle pertinente de cette loi interne particulière relative à une question spécifique, par exemple cela entraînerait des efforts et/ou des coûts disproportionnés. Les motifs résultent généralement du caractère spécial des sources juridiques de la loi interne et/ou du coût d’accès à celles-ci.
Les Principes peuvent par ailleurs être utilisés comme matériel didactique dans les universités et les facultés de droit, faisant ainsi la promotion de l’enseignement du droit des contrats sur une base véritablement comparée.