L’inexécution d’une obligation donne au créancier le droit à des dommages-intérêts, soit à titre exclusif, soit en complément d’autres moyens, sous réserve des exonérations prévues dans ces Principes.
COMMENTAIRE
1. Droit aux dommages-intérêts en général
Le présent article pose le principe d’un droit général à des dommages-intérêts en cas d’inexécution du contrat, sauf lorsqu’il existe une exonération prévue dans les Principes, ainsi en cas de force majeure (voir l’article 7.1.7) ou de clause exonératoire (voir l’article 7.1.6). Le hardship (voir les articles 6.2.1 et suiv.) n’ouvre pas en principe un droit à dommages-intérêts.
L’article rappelle que, comme pour les autres remèdes, ce droit découle de la seule inexécution. Le créancier doit seulement prouver l’inexécution, c’est-à-dire qu’il n’a pas reçu ce qui avait été promis. Il n’est pas besoin notamment de prouver en plus que cette inexécution est due à une faute du débiteur. La preuve sera plus ou moins facile à apporter selon le contenu de l’obligation et notamment selon qu’il s’agit d’une obligation de moyens ou d’une obligation de résultat (voir l’article 5.1.4).
Le droit à dommages-intérêts existe dès qu’il y a violation de l’une quelconque des obligations nées du contrat. Il n’y a donc pas lieu de distinguer entre les obligations principales et les obligations accessoires.
2. Combinaison des dommages-intérêts et des autres moyens
Le présent article rappelle aussi que le créancier peut demander des dommages-intérêts soit comme seul moyen (par exemple des dommages-intérêts moratoires en cas d’exécution tardive ou en cas d’exécution défectueuse acceptée par le créancier; des dommages-intérêts en cas d’impossibilité d’exécution imputable au débiteur) soit en combinaison avec d’autre moyens. Ainsi, en cas de résolution du contrat, des dommages-intérêts pourront être demandés pour compenser le préjudice résultant de la disparition du contrat; ou encore, en cas d’exécution forcée, pour compenser le retard de l’exécution et pour défrayer le créancier des frais qu’il a dû engager. Les dommages-intérêts peuvent aussi accompagner d’autres formes de réparation (“correction”, publication dans les journaux, admission d’une erreur, etc.).
3. Dommages-intérêts et responsabilité pré-contractuelle
Le droit à dommages-intérêts peut exister non seulement dans le contexte de l’inexécution du contrat, mais aussi lors de la période pré-contractuelle (voir, par exemple, l’article 2.1.15 en cas de négociations de mauvaise foi, l’article 2.1.16 en cas de violation du devoir de confidentialité ou l’article 3.2.16 relatif aux dommages-intérêts dus à la victime d’erreur, de dol, de contrainte ou d’avantage excessif). Le régime des dommages-intérêts pour inexécution, tel que décrit dans cette section, pourra s’appliquer par analogie à ces situations.
1) Le créancier a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a subi du fait de l’inexécution. Le préjudice comprend la perte qu’il a subie et le bénéfice dont il a été privé, compte tenu de tout gain résultant pour le créancier d’une dépense ou d’une perte évitée.
2) Le préjudice peut être non pécuniaire et résulter, notamment, de la souffrance physique ou morale.
COMMENTAIRE
1. Droit du créancier à la réparation intégrale du dommage
Le paragraphe 1 du présent article pose le principe de la réparation intégrale du dommage causé au créancier par l’inexécution du contrat.
Est aussi affirmée la nécessité d’un lien de causalité entre l’inexécution et le préjudice (voir également le Commentaire 3 sur l’article 7.4.3). L’inexécution du contrat ne doit apporter au créancier ni bénéfice ni appauvrissement.
Il n’a pas été jugé utile de suivre la solution, retenue par certains systèmes juridiques, qui accorde au tribunal le pouvoir de modérer le montant des dommages-intérêts. Il est en effet apparu que cette solution, transposée dans l’ordre international, risquait de créer une incertitude fâcheuse et qu’elle pourrait en outre être appliquée de façon très irrégulière selon le tribunal saisi.
2. Dommages-intérêts devant couvrir le préjudice subi, y compris la perte ou le bénéfice
Pour déterminer le préjudice pour lequel des dommages-intérêts sont dus, le paragraphe 1 du présent article, à l’image de la solution retenue par l’article 74 de la CVIM, établit que le créancier a droit à la réparation non seulement du préjudice qu’il a subi, mais aussi du bénéfice dont il a été privé du fait de l’inexécution.
La notion de perte subie doit s’entendre de façon large. Elle peut couvrir la diminution de l’actif du créancier ou l’augmentation de son passif lorsque, non payé par son débiteur, le créancier doit, pour honorer ses engagements, contracter un emprunt. La perte du bénéfice (gain manqué, “consequential loss”) est le bénéfice qu’aurait normalement réalisé le créancier si le contrat avait été correctement exécuté. Le bénéfice est souvent incertain de sorte qu’il se présentera souvent comme la perte d’une chance de gains (voir l’article 7.4.3(2)).
Illustrations
1. Une bibliothèque nationale expédie un manuscrit rare par porteur spécial à l’étranger pour une exposition. Au cours du transport, le manuscrit est endommagé de façon irréparable. Sa perte de valeur est estimée à 100.000 EUR. C’est de cette somme que le transporteur sera redevable.
2. A, non payé par son cocontractant B, doit emprunter à sa banque à un taux élevé. B devra dédommager A du montant des intérêts dus par A.
3. A, entreprise de bâtiment, a loué une grue à l’entreprise B. La flèche de la grue, mal entretenue, se rompt, écrase en tombant la voiture de l’architecte et provoque l’interruption du chantier pendant huit jours. A doit, de ce chef, payer 50.000 EUR à titre de pénalité de retard au propriétaire du terrain. B devra à la fois rembourser à A les frais occasionnés par le retard du chantier, le montant de la pénalité et les frais de réparation de la voiture de l’architecte que A a dû payer.
4. A, chanteur, annule un engagement pris avec B, imprésario. A doit payer des dommages-intérêts à B non seulement pour les frais encourus par B pour la préparation du concert, mais aussi pour le gain manqué du fait de l’annulation du concert.
3. Dommages-intérêts ne devant pas enrichir le créancier
Il ne faut pas, toutefois, que l’inexécution enrichisse le créancier. C’est pourquoi le paragraphe 1 prévoit qu’il convient de tenir compte des gains qui peuvent résulter pour le créancier de l’inexécution: soit qu’une dépense lui est ainsi évitée (par exemple, il ne doit pas payer l’hôtel de l’artiste défaillant), soit qu’il évite une perte (par exemple en cas d’inexécution d’un marché désavantageux pour le créancier).
Illustration
5. A loue pour deux ans du matériel de terrassement à B pour un montant de 10.000 EUR par mois. Le contrat est résolu au bout de six mois pour non paiement du prix de location. Six mois plus tard, A réussit à louer pour deux ans le même matériel pour 11.000 EUR par mois. Il conviendra de déduire des dommages-intérêts dus par B le gain réalisé par A du fait de la relocation du matériel pour la durée restant à courir du contrat initial, soit une année, au total 12.000 EUR.
4. Dommages-intérêts en cas de variations du préjudice
Le principe de réparation intégrale a aussi pour conséquence qu’il convient de tenir compte des variations du préjudice, y compris de son évaluation en argent, qui pourront intervenir entre l’inexécution et la date de la décision judiciaire. La règle connaît toutefois des exceptions: par exemple, si le créancier a déjà fait réparer à ses frais le dommage, les dommages-intérêts à allouer correspondront au montant des sommes déboursées.
5. Réparation du préjudice non matériel
Le paragraphe 2 du présent article prévoit expressément la réparation du préjudice non matériel. Il peut s’agir du pretium doloris, de la perte des aménités de la vie, du préjudice esthétique, etc., aussi bien que de l’atteinte à l’honneur ou à la réputation.
La règle pourra par exemple s’appliquer, en ce qui concerne le commerce international, aux contrats passés par des artistes, des sportifs de haut niveau, des consultants pris en charge par une entreprise ou une organisation.
Il importera aussi dans ce cas que l’exigence de la certitude du préjudice soit respectée (voir l’article 7.4.3), de même que toutes les autres conditions d’ouverture du droit à dommages-intérêts.
Illustration
6. A, jeune architecte qui commence à avoir une certaine réputation, signe un contrat pour la modernisation d’un musée municipal des beaux arts. Cet engagement est largement commenté par la presse. Les autorités municipales décident par la suite d’utiliser les services d’un architecte plus chevronné et mettent fin au contrat passé avec A. Celui-ci pourra obtenir non seulement le dédommagement de son préjudice matériel mais aussi l’atteinte que cette attitude porte à sa réputation, et la perte de la chance de se faire connaître que cette commande lui aurait apportée.
La réparation du préjudice non matériel peut se faire de différentes façons et il appartient au tribunal de décider celles qui, de façon isolée ou cumulative, correspondent le mieux à la réparation intégrale du préjudice. Il peut non seulement attribuer des dommages-intérêts mais aussi ordonner d’autres formes de réparation, telles que la publication dans des journaux désignés par lui (par exemple en réparation de la violation d’une clause de non-concurrence ou de non-rétablissement, d’une atteinte à la réputation, etc.).
1) N’est réparable que le préjudice, même futur, qui est établi avec un degré raisonnable de certitude.
2) La perte d’une chance peut être réparée dans la mesure de la probabilité de sa réalisation.
3) Le préjudice dont le montant ne peut être établi avec un degré suffisant de certitude est évalué à la discrétion du tribunal.
COMMENTAIRE
1. La réalisation du préjudice doit être raisonnablement certaine
Le présent article réaffirme l’exigence bien connue de la certitude du préjudice, car il n’est pas possible d’imposer au débiteur la réparation d’un préjudice hypothétique ou éventuel.
Le paragraphe 1 autorise la réparation du préjudice futur, c’est-à-dire non encore réalisé, dès lors qu’il est suffisamment certain. Le paragraphe 2 couvre aussi la perte d’une chance, étant bien entendu que la réparation ne se fera que dans la mesure de la probabilité de sa réalisation: ainsi, le propriétaire du cheval arrivé trop tard du fait du transporteur pour prendre le départ d’une course ne peut réclamer l’intégralité du prix attribué, même si son cheval était le favori.
2. Détermination de l’étendue du préjudice
La certitude porte non seulement sur l’existence du préjudice, mais aussi sur son étendue. Il est des préjudices dont l’existence ne peut être contestée mais qu’il est difficile d’évaluer. Ce sera souvent le cas pour la perte d’une chance (il n’y a pas toujours une “cote” comme pour le cheval, par exemple une société d’ingénierie qui prépare une soumission) ou pour la réparation d’un préjudice non matériel (atteinte à la réputation de quelqu’un, prix de la souffrance, etc.).
Illustration
A confie à B, entreprise de messagerie, un dossier de soumission à un appel d’offres pour la construction d’un aéroport. B s’est engagé à remettre le dossier avant la date de clôture de l’appel. Il délivre cependant le document hors délai et le dossier de A est refusé. Le montant de l’indemnisation dépend de la probabilité que le dossier de A avait d’être retenu et suppose la comparaison avec les candidatures sélectionnées. Il sera donc d’une fraction plus ou moins élevée des bénéfices que A aurait pu retirer de l’opération.
Conformément au paragraphe 3, lorsque le montant du préjudice ne peut être établi avec un degré suffisant de certitude, plutôt que de refuser toute réparation ou de condamner à des dommages-intérêts symboliques, le tribunal peut déterminer en équité le montant du préjudice subi.
3. Le préjudice doit être une conséquence directe de l’inexécution et être certain
Il existe des liens évidents entre le caractère certain et le caractère direct du préjudice. Ce dernier n’est pas pris en compte en tant que tel par les Principes, mais il est implicite dans l’article 7.4.2(1) qui vise le préjudice subi “du fait de l’inexécution” et suppose donc un lien de causalité suffisant entre l’inexécution et le préjudice. Le préjudice trop indirect est aussi en général incertain et imprévisible.
Le débiteur est tenu du seul préjudice qu’il a prévu, ou qu’il aurait pu raisonnablement prévoir, au moment de la conclusion du contrat comme une conséquence probable de l’inexécution.
COMMENTAIRE
Le principe de la limitation du préjudice réparable au préjudice prévisible correspond à la solution adoptée à l’article 74 de la CVIM. Cette limitation se rattache à la notion même du contrat: tous les bénéfices dont le créancier se trouve privé ne relèvent pas du domaine du contrat et il importe que le débiteur ne soit pas accablé par la réparation d’un préjudice qu’il n’avait pu imaginer lors de la conclusion du contrat et pour lequel il n’a pas pu s’assurer.
Cette exigence de prévision se combine avec l’exigence de certitude du préjudice énoncée à l’article 7.4.3.
La notion de prévisibilité doit être précisée, car la solution retenue par les Principes ne correspond pas à certains systèmes nationaux qui permettent la réparation du préjudice, même imprévisible, lorsque l’inexécution est due au dol ou à la faute lourde. Puisque la présente règle ne prévoit pas une telle exception, il est normal de donner une définition plus étroite de la prévisibilité. Celle-ci doit porter sur la nature ou le type de préjudice mais non sur l’étendue de celui-ci, sauf si elle est telle qu’elle transforme ce préjudice en un préjudice de type différent. De toute façon, la prévisibilité est une notion flexible qui laisse une large marge d’appréciation au juge.
La prévision s’apprécie au moment du contrat et en la personne du débiteur (ou éventuellement de ses auxiliaires), et le critère de référence est la prévision raisonnable que l’homme normalement diligent peut faire sur les conséquences d’une éventuelle inexécution telles qu’elles résultent du cours ordinaire des choses et des circonstances particulières du contrat, par exemple les précisions fournies par les cocontractants ou encore leurs relations antérieures.
Illustrations
1. Une teinturerie commande une machine, livrée avec cinq mois de retard. Le fabricant est tenu de dédommager le teinturier pour les gains manqués du fait de ce retard car il devait prévoir que la machine était destinée à un usage immédiat. Il ne peut en revanche être retenu dans le préjudice la perte d’un contrat très avantageux qui aurait pu être conclu avec l’Administration si la machine avait été livrée à temps, ce préjudice n’étant pas prévisible.
2. La banque A utilise normalement les services d’une société de convoyeurs de fonds pour transporter des sacs contenant des pièces de monnaie à ses agences. Sans avertir les convoyeurs, A fait une expédition de sacs contenant de nouvelles pièces de collection d’une valeur cinquante fois supérieure aux expéditions normales. Au cours d’un hold-up, les sacs sont volés. A ne pourra récupérer que la valeur des expéditions normales parce qu’il s’agit du seul type de perte qui pouvait être prévu, et que la valeur des objets perdus était telle qu’elle a transformé le préjudice en un préjudice de type différent.
Contrairement à certaines conventions internationales, notamment dans le domaine des transports, les Principes, suivant en cela le modèle de la CVIM, n’ont pas retenu la réparation totale du préjudice, même imprévisible, en cas d’inexécution délibérée.
Le créancier qui, ayant résolu le contrat, passe un contrat de remplacement dans un délai et d’une manière raisonnables, peut recouvrer la différence entre le prix prévu au contrat initial et le prix du contrat de remplacement, de même que des dommages-intérêts pour tout préjudice supplémentaire.
COMMENTAIRE
1. Montant du préjudice présumé en cas de remplacement
Aux règles générales qui s’appliquent à la preuve de l’existence et du montant du préjudice, il a été jugé utile d’établir des présomptions qui peuvent faciliter la tâche du créancier.
La première de celles-ci, posée par le présent article, correspond pour l’essentiel à l’article 75 de la CVIM. Elle concerne le cas où le créancier passe un contrat de remplacement, ce qui peut être notamment imposé par l’obligation d’atténuer le préjudice, ou autorisé par les usages. Dans ce cas, le préjudice est censé être de la différence entre le prix du contrat et le prix du remplacement.
Cette présomption joue seulement lorsqu’il y a remplacement et non pas lorsque le créancier a accompli lui-même la prestation non effectuée par le débiteur (par exemple lorsqu’un armateur qui répare par ses propres moyens son navire à la suite de la carence du chantier auquel avait été commandée la réparation).
Il n’y a pas non plus remplacement, et l’on retombe sous l’empire du droit commun, lorsqu’une entreprise, après résolution d’un contrat, reporte un moyen de production sur l’exécution d’un autre contrat qu’elle aurait pu exécuter en même temps que le premier (“lost volume”).
Il faut aussi que la prestation de remplacement ait été effectuée dans un délai et d’une manière raisonnables, pour éviter qu’une action inconsidérée ou malicieuse n’accable la partie en défaut.
2. Autres dommages-intérêts recouvrables pour tout préjudice supplémentaire
La règle selon laquelle le créancier peut recouvrer la différence entre les deux prix établit un plancher. Le créancier peut en outre obtenir des dommages-intérêts pour les préjudices supplémentaires qu’il aurait pu subir.
Illustration
A, chantier naval, s’est engagé à mettre le navire de B, armateur, en cale sèche pour des réparations d’un montant de 500.000 USD, à compter du 1er juillet. B apprend le 1er juin que la cale sèche ne sera disponible que le 1er août. Il résout le contrat et, après des démarches longues et coûteuses, il obtient du chantier naval C un contrat identique pour un prix de 700.000 USD. B pourra réclamer à A non seulement la différence de prix, soit 200.000 USD, mais aussi le remboursement de ses frais et une compensation pour l’indisponibilité supplémentaire du navire.
1) Le créancier qui, ayant résolu le contrat, ne procède pas à un contrat de remplacement peut, s’il existe un prix courant pour la prestation convenue, recouvrer la différence entre le prix prévu au contrat et le prix courant au jour de la résolution, de même que des dommages-intérêts pour tout préjudice supplémentaire.
2) Par prix courant, on entend le prix généralement pratiqué pour une prestation effectuée dans des circonstances comparables au lieu où elle aurait dû être effectuée ou, à défaut de prix courant en ce lieu, le prix courant pratiqué en un autre lieu qu’il paraît raisonnable de prendre comme lieu de référence.
COMMENTAIRE
1. Montant du préjudice présumé en l’absence de contrat de remplacement
Le présent article, qui correspond pour l’essentiel à l’article 76 de la CVIM, a pour objet de faciliter la preuve du préjudice lorsqu’il n’y a pas eu de contrat de remplacement mais qu’il existe un prix courant pour la prestation inexécutée. Le préjudice est alors présumé être de la différence entre le prix prévu au contrat et le prix courant au jour de la résolution du contrat.
2. Détermination du “prix courant”
Conformément au paragraphe 2, le “prix courant” est le prix généralement pratiqué pour les biens ou les services en question. Le prix sera établi par comparaison avec le prix raisonnablement pratiqué pour des prestations analogues. Il s’agira souvent, mais pas nécessairement, du prix établi sur un marché organisé. La preuve du prix courant peut être établie par les organisations professionnelles, les chambres de commerce, etc.
Au sens du présent article, le lieu qui permet de déterminer le prix courant est le lieu où la prestation aurait dû être effectuée ou, à défaut de prix courant en ce lieu, un autre lieu qu’il paraît raisonnable de prendre comme lieu de référence.
3. Autres dommages-intérêts recouvrables pour tout préjudice supplémentaire
La règle selon laquelle le créancier peut recouvrer la différence entre le prix prévu au contrat et le prix courant au jour de la résolution n’établit qu’un plancher. Le créancier peut obtenir en outre des dommages-intérêts pour les préjudices supplémentaires qu’il aurait pu subir du fait de la résolution.
Lorsque le préjudice est partiellement imputable à un acte ou une omission du créancier ou à un autre événement dont il a assumé le risque, le montant des dommages-intérêts est réduit dans la mesure où ces facteurs ont contribué à la réalisation du préjudice et compte tenu du comportement respectif des parties.
COMMENTAIRE
1. Contribution du créancier à la réalisation du préjudice
En application du principe général établi par l’article 7.1.2 qui limite l’exercice des moyens lorsque l’inexécution est partiellement imputable au créancier, le présent article limite le droit aux dommages-intérêts du créancier dans la mesure de sa contribution à la réalisation du préjudice. Il serait en effet injuste que le créancier puisse obtenir la complète réparation d’un préjudice à la réalisation duquel il a contribué en partie.
2. Façons de contribuer à la réalisation du préjudice
La participation du créancier à la réalisation du préjudice peut consister en son comportement ou en un événement dont il a assumé le risque. Le comportement peut prendre la forme d’un acte (il a par exemple donné au transporteur une mauvaise adresse) ou une omission (par exemple, il n’a pas donné toutes les instructions nécessaires au constructeur de la machine défectueuse). Le fait du créancier consistera le plus souvent dans le non-respect d’une des obligations nées du contrat; mais ce peut être aussi une faute délictuelle ou l’inexécution d’un autre contrat. Les facteurs externes dont le créancier assume le risque peuvent notamment être le fait de personnes dont il doit répondre, comme ses auxiliaires.
Illustrations
1. A, franchisé lié par une clause d’exclusivité contenue dans le contrat de franchisage avec B, s’approvisionne chez C parce que B a exigé le paiement comptant alors que, selon le contrat, le paiement est à 90 jours. B réclame le montant de la clause pénale prévue pour infraction à la clause d’exclusivité. Il n’en obtiendra qu’une fraction, ayant lui-même provoqué l’inexécution de A.
2. A, passager d’un paquebot effectuant une croisière de luxe, tombe dans la cage d’un ascenseur, celui-ci ne s’étant pas arrêté au palier. B, l’armateur, est condamné à la réparation des conséquences de la chute de A et appelle en garantie la société C qui a révisé les ascenseurs avant le départ. Il est prouvé que l’accident aurait été évité si le palier avait été mieux éclairé. De ce fait, imputable à B, celui-ci n’obtiendra pas un dédommagement total de C.
3. Répartition de la contribution à la réalisation du préjudice
Le comportement du créancier ou les événements externes dont il assume le risque peuvent avoir entraîné pour le débiteur l’impossibilité absolue d’exécuter. Si les conditions de l’article 7.1.7 (Force majeure) sont remplies, le débiteur est totalement exonéré.
Sinon, il y a exonération partielle dans la mesure où le fait du créancier a contribué à la réalisation du dommage. La détermination de la part imputable à chacun des cocontractants dans l’inexécution peut s’avérer difficile et elle dépendra largement du pouvoir d’appréciation du tribunal. Le présent article lui donne comme directive de tenir compte du comportement des parties. Plus le manquement d’une partie est grave, plus elle a contribué au préjudice.
Illustrations
3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1. Puisque B avait été le premier à ne pas respecter les clauses du contrat, on peut considérer que B a provoqué le non-respect par A de la clause d’exclusivité. B ne pourra récupérer que 25% du montant prévu dans la clause pénale.
4. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2. Puisque les manquements de B et C semblent équivalents, B ne pourra obtenir de C que 50% de l’indemnité qu’il a dû payer à A.
4. Contribution à la réalisation du préjudice et atténuation du préjudice
Le présent article doit être rapproché de l’article suivant relatif à l’atténuation du préjudice (voir l’article 7.4.8). Si le présent article se réfère au comportement du créancier dans la réalisation du préjudice initial, l’article 7.4.8 concerne son comportement postérieurement à la réalisation du préjudice initial.
1) Le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure où le créancier aurait pu l’atténuer par des moyens raisonnables.
2) Le créancier peut recouvrer les dépenses raisonnablement occasionnées en vue d’atténuer le préjudice.
COMMENTAIRE
1. Devoir du créancier d’atténuer le préjudice
L’objectif du présent article est d’éviter que le créancier n’attende passivement d’être indemnisé pour le préjudice qu’il aurait pu éviter ou limiter. A cette fin, on lui refuse toute compensation pour le préjudice qu’il aurait pu éviter par des mesures raisonnables.
On ne peut certes pas imposer à la partie qui subit déjà les conséquences de l’inexécution du contrat d’avoir en plus à prendre des mesures coûteuses en temps et en argent. En revanche, il ne serait pas raisonnable, d’un point de vue économique, de laisser accroître un dommage que des mesures raisonnables auraient permis de réduire.
Les mesures à prendre par le créancier peuvent soit limiter l’étendue du préjudice, surtout s’il risque de durer longtemps en l’absence de telles mesures (ce sera souvent un contrat de remplacement: voir l’article 7.4.5), soit éviter que le préjudice initial augmente.
Illustrations
1. Le 2 mai, A demande à B, agence de voyage, de lui réserver une chambre d’hôtel dans la ville X pour le 1er juin, pour une somme de 200 EUR. Le 15 mai, A apprend que B n’a pas effectué la réservation demandée. A attend cependant le 25 mai pour faire une nouvelle réservation et ne trouve plus qu’une chambre à 300 EUR, alors qu’il aurait pu en trouver une à 250 EUR s’il avait déjà pris des mesures le 15 mai. A ne peut réclamer que 50 EUR à B.
2. A, entrepreneur chargé de construire une usine pour le compte de la société B, abandonne soudain le chantier qui est en cours d’achèvement. B cherche un entrepreneur pour terminer la construction mais ne prend aucune mesure pour protéger les bâtiments qui se dégradent du fait des intempéries. B ne pourra pas inclure dans son préjudice réparable la dégradation due à l’absence de mesures provisoires de protection.
2. Remboursement des dépenses
La diminution de la réparation, dans la mesure où le créancier n’a pas fait le nécessaire pour atténuer le préjudice, ne doit pas cependant être une cause d’appauvrissement pour cette partie. C’est pourquoi le créancier pourra demander au débiteur défaillant le remboursement des dépenses qu’il aura encourues pour atténuer le préjudice, sous réserve que ces dépenses aient été raisonnables eu égard aux circonstances (paragraphe 2).
Illustrations
3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2 mais ici B fait effectuer les travaux nécessaires de protection provisoire des bâtiments. Le prix de ces travaux s’ajoutera aux dommages-intérêts dus par A pour l’inexécution du contrat, à condition que les dépenses ainsi faites aient été raisonnables. A défaut, elles seront réduites.
4. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici A prend une chambre à 500 EUR dans un hôtel de luxe. A ne pourra réclamer que les 50 EUR de la chambre qu’il aurait pu avoir au prix de 250 EUR.
1) En cas de non-paiement d’une somme d’argent à l’échéance, le créancier a droit aux intérêts de cette somme entre l’échéance et la date du paiement, qu’il y ait ou non exonération.
2) Le taux d’intérêt est le taux bancaire de base à court terme moyen pour la monnaie de paiement du contrat au lieu où le paiement doit être effectué ou, à défaut d’un tel taux en ce lieu, le même taux dans l’Etat de la monnaie de paiement. En l’absence d’un tel taux à l’un ou l’autre lieu, le taux d’intérêt est le taux approprié fixé par la loi de l’Etat de la monnaie de paiement.
3) Le créancier a droit, en outre, à des dommages-intérêts pour tout préjudice supplémentaire.
COMMENTAIRE
1. Réparation forfaitaire en cas de non-paiement d’une somme d’argent
Le présent article reprend la règle largement acceptée selon laquelle le préjudice résultant du retard dans le paiement d’une somme d’argent relève d’un régime propre et est calculé par une somme forfaitaire correspondant aux intérêts de cette somme accumulés entre l’échéance et le paiement effectif.
Les intérêts sont dus lorsqu’il y a un retard imputable au débiteur, donc du jour de l’échéance sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure.
Si le retard résulte de la force majeure (le débiteur est par exemple dans l’impossibilité de se procurer la somme due en raison de nouvelles règles en matière de change), les intérêts sont également dus, non plus en tant que dommages-intérêts, mais pour compenser l’enrichissement que procure le non-paiement au débiteur qui continue de percevoir les intérêts sur la somme qu’il est empêché de verser.
La réparation a un caractère forfaitaire. En d’autres termes, sous réserve des dispositions du paragraphe 3, le créancier ne peut pas prouver qu’il aurait pu placer l’argent dû à un taux supérieur, et le débiteur que le créancier l’aurait placé à un taux inférieur au taux moyen visé au paragraphe 2.
Les parties peuvent bien entendu convenir à l’avance d’un taux différent (il relèverait alors de l’article 7.4.13).
2. Taux d’intérêt
Le paragraphe 2 du présent article détermine en premier lieu comme taux de référence le taux bancaire de base à court terme moyen. Cette solution semble être la plus conforme aux besoins du commerce international et celle qui correspond le mieux à une réparation adéquate du préjudice subi. C’est le taux auquel devra normalement emprunter le créancier impayé pour se procurer l’argent qu’il n’a pas reçu de son débiteur. Par taux normal, il faut entendre le taux bancaire de base à court terme moyen, tel qu’il est pratiqué au lieu où le paiement doit être effectué pour la monnaie de paiement du contrat.
Mais il se peut que ce taux n’existe pas pour la monnaie en question. Le texte prévoit alors en premier lieu le taux bancaire de base dans l’Etat de la monnaie de paiement. Par exemple, si un emprunt est contracté en livres sterling payable dans le pays X, et qu’il n’existe pas de taux pour les emprunts en livres sur le marché financier du pays X, il faudra se référer au taux en vigueur au Royaume-Uni.
En l’absence d’un tel taux, il faudra avoir recours au taux bancaire “approprié” fixé par la loi de l’Etat de la monnaie de paiement. Il s’agira dans la plupart des cas du taux d’intérêt légal et, comme il peut y en avoir plusieurs, au taux le plus approprié pour les contrats internationaux. Au cas où il n’y aurait pas d’intérêt légal, ce serait le taux bancaire le plus approprié.
3. Dommages-intérêts supplémentaires
L’allocation des intérêts est censée réparer le préjudice normalement subi du fait du retard dans le paiement d’une somme d’argent. Mais il se peut que le retard dans le paiement ait entraîné un préjudice supplémentaire au créancier pour lequel il a droit à des dommages-intérêts dès lors qu’il peut prouver l’existence d’un tel préjudice et qu’il remplit les conditions de certitude et de prévisibilité (paragraphe 3).
Illustration
Pour financer la rénovation de son usine dans le pays X, A contracte un prêt auprès de B, établissement spécialisé de crédit. Le prêt mentionne expressément la destination des fonds. Le prêt est versé avec trois mois de retard et le prix de la rénovation a augmenté de 10% pendant ce délai. A pourra réclamer cette somme supplémentaire à B.
Sauf stipulation contraire, les dommages-intérêts pour inexécution d’une obligation autre que de somme d’argent portent intérêt à compter de la date d’inexécution.
COMMENTAIRE
Le présent article détermine le moment à partir duquel la créance de dommages-intérêts porte intérêt, lorsqu’il ne s’agit pas de l’inexécution d’une obligation monétaire. Dans ce cas, à la date d’inexécution le montant des dommages-intérêts ne sera généralement pas calculé en termes monétaires. L’évaluation en sera faite postérieurement à la réalisation du préjudice, soit par accord des parties, soit par le tribunal.
Le présent article fixe le point de départ au jour de la réalisation du préjudice. C’est la solution la mieux adaptée au commerce international, où les opérateurs n’ont pas coutume de laisser l’argent dormir. En effet, l’actif du créancier est diminué dès la survenance du préjudice, alors que le débiteur, tant que les dommages-intérêts ne sont pas payés, bénéficie des intérêts de la somme qu’il aura à verser. Il est normal que ce gain soit attribué au créancier.
Cependant, il faudra tenir compte de l’attribution des dommages-intérêts au jour du préjudice lors de l’évaluation définitive de ce préjudice, pour éviter une double indemnisation, notamment en cas de dépréciation de la monnaie.
Le présent article ne prend pas parti sur l’anatocisme (“compound interest”) qui, dans certains droits nationaux, est soumis aux règles d’ordre public limitant l’anatocisme en vue de protéger le débiteur.
1) Les dommages-intérêts sont versés en une seule fois. Ils peuvent, toutefois, en raison de la nature du préjudice, faire l’objet de versements périodiques.
2) Les versements périodiques peuvent être assortis d’une indexation.
COMMENTAIRE
1. Versement en une seule fois ou versements périodiques
Bien que le présent article n’impose pas un mode particulier de versement pour les dommages-intérêts, le paiement des dommages-intérêts en une seule fois est, en règle générale, considéré comme le mode de paiement le mieux adapté au commerce international. Cependant, des versements périodiques sont parfois plus appropriés, en raison de la nature du préjudice, par exemple pour un préjudice évolutif.
Illustrations
1. A, expert, est consulté par B pour vérifier la sécurité de ses usines. A est tué lors d’un transport vers une usine de B dans un accident d’hélicoptère dont B est reconnu responsable. A laisse deux enfants de huit et douze ans. Pour compenser la disparition du soutien de famille, il sera attribué aux enfants une rente mensuelle jusqu’à leur majorité.
2. A, expert en matière de sécurité, est recruté par B pour une durée de trois ans. Sa rémunération est fixée à 0,5% de la production. A est congédié abusivement au bout de six mois. B pourra être condamné à payer à A une somme mensuelle correspondant à la rémunération prévue jusqu’à ce qu’il ait trouvé un nouvel emploi et au plus pendant trente mois.
2. Indexation
Le paragraphe 2 du présent article permet l’indexation des dommages-intérêts versés de façon périodique pour éviter le mécanisme complexe d’une action en révision du jugement afin de prendre en compte l’inflation. L’indexation peut cependant être interdite par la loi du for.
Illustration
3. Les faits sont identiques à ceux de l’Illustration 1. La rente mensuelle pourra être indexée sur l’indice du coût de la vie au domicile des enfants.
Les dommages-intérêts sont évalués soit dans la monnaie dans laquelle l’obligation pécuniaire a été exprimée, soit dans la monnaie dans laquelle le préjudice a été subi, selon ce qui paraît le plus approprié.
COMMENTAIRE
Le préjudice dû à l’inexécution d’un contrat international peut se manifester dans des lieux différents et se pose alors le problème de savoir en quelle monnaie il doit être évalué. Le présent article concerne cette question, à distinguer de celle de la monnaie de paiement des dommages-intérêts relevant de l’article 6.1.9.
L’article propose un choix entre la monnaie dans laquelle a été exprimée l’obligation pécuniaire et la monnaie dans laquelle le préjudice a été subi, selon ce qui paraît le plus approprié.
Si la première branche de l’option n’appelle pas de commentaire particulier, la seconde vise notamment le cas où le créancier a dû engager des frais dans une certaine monnaie pour réparer le dommage qu’il a subi. Dans un tel cas, il devrait pouvoir réclamer des dommages-intérêts dans cette monnaie, même si ce n’est pas la monnaie du contrat. Pourra aussi être considérée comme la monnaie la plus appropriée celle dans laquelle le profit aurait été fait.
Le choix appartient au créancier, sous réserve du respect du principe de réparation intégrale.
Enfin, à défaut d’indication contraire, une partie a droit aux intérêts et peines convenus dans la même monnaie que celle de l’obligation principale.
1) Lorsque le contrat porte que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à raison de l’inexécution, cette somme sera allouée au créancier indépendamment du préjudice effectivement subi.
2) Toutefois, nonobstant toute stipulation contraire, l’indemnité peut être réduite à un montant raisonnable si elle est manifestement excessive par rapport au préjudice découlant de l’inexécution et aux autres circonstances.
COMMENTAIRE
1. Indemnité établie au contrat
Le présent article donne une définition volontairement large des accords visant à payer une somme précise en cas d’inexécution, que ces accords aient pour but de faciliter le processus de réparation (dommages-intérêts libératoires ou “liquidated damages” en common law) ou de fonctionner comme un moyen de dissuasion contre l’inexécution (clauses pénales proprement dites).
2. Indemnité établie au contrat: validité de principe
Les droits nationaux ont des positions très différentes sur la validité de ce type de clauses, depuis leur acceptation dans la plupart des pays de “droit civil”, avec ou sans possibilité de contrôle judiciaire des clauses particulièrement onéreuses, jusqu’au refus systématique dans les systèmes de common law des clauses à caractère comminatoire, par exemple les clauses pénales.
En raison de leur fréquence dans la pratique contractuelle internationale, le paragraphe 1 du présent article reconnaît la validité de toute clause portant que celui qui manquera d’exécuter sa prestation paiera au créancier une certaine somme à raison de l’inexécution. En conséquence, cette somme sera allouée au créancier indépendamment de son préjudice effectif. La partie défaillante ne peut pas prétendre que le créancier a subi un préjudice moindre ou nul.
Illustration
1. A, ancien joueur international du pays X, est recruté pour trois ans comme entraîneur des joueurs de B, équipe de football du pays Y, pour un salaire mensuel de 10.000 AUD. Il est prévu une indemnité de licenciement de 200.000 AUD en cas de congédiement abusif. A est congédié sans motif au bout de six mois. A a droit à la somme convenue, même s’il a immédiatement été recruté par une autre équipe à un salaire deux fois supérieur à celui qu’il percevait de B.
Il doit s’agir normalement d’une inexécution imputable au débiteur car il est difficile de concevoir une clause prévoyant le versement d’une somme établie en cas d’inexécution due à la force majeure. Exceptionnellement cependant, une telle clause peut cependant être interprétée par les parties comme couvrant aussi l’inexécution non imputable au débiteur.
En cas d’inexécution partielle, l’indemnité pourra être réduite en proportion, sauf convention contraire des parties.
3. Réduction possible de la somme établie
Afin d’empêcher les abus auxquels de telles clauses peuvent conduire, le paragraphe 2 permet de réduire la somme prévue si son montant est manifestement excessif “par rapport au préjudice découlant de l’inexécution et aux autres circonstances”. Ce même paragraphe dit clairement que les parties ne peuvent en aucune façon exclure une telle possibilité de réduction.
L’indemnité ne peut être que réduite, mais non supprimée, ce qui serait le cas si le juge allouait des dommages-intérêts du montant exact du préjudice, au mépris de la volonté des parties. Elle ne peut être augmentée lorsque l’indemnité est inférieure au préjudice effectivement subi, du moins en vertu de cet article (voir toutefois le Commentaire 4 sur l’article 7.1.6). Il faut par ailleurs que l’indemnité soit “manifestement excessive”, c’est-à-dire que cela apparaisse clairement à une personne raisonnable. Il convient notamment de comparer la somme prévue au contrat avec le préjudice effectivement subi.
Illustration
2. A conclut un contrat avec B pour l’achat d’une machine, prévoyant un paiement en cinq versements de 50.000 EUR chacun. Le contrat contient une clause de résolution de plein droit en cas de non-paiement par A d’une échéance, qui autorise B à conserver les sommes perçues et à récupérer les versements futurs à titre de dommages-intérêts. A ne paie pas la troisième échéance. B conserve les 100.000 EUR déjà versés et réclame, outre la restitution de la machine, une somme de 150.000 EUR représentant les trois versements à échoir. Le tribunal réduira le montant car l’inexécution de A entraînerait pour B un enrichissement excessif.
4. Indemnité établie au contrat à distinguer du dédit et autres clauses analogues
Il convient de distinguer le type de clause visée au présent article de la faculté de dédit et des autres clauses analogues qui permettent à une partie de se dégager légitimement d’un contrat soit en versant une certaine somme, soit en perdant des arrhes déjà versés. D’un autre côté, une clause selon laquelle le créancier peut garder les sommes déjà versées comme partie du prix relève du présent article.
Illustrations
3. A s’engage à vendre un immeuble à B pour 450.000 EUR. B doit lever l’option dans un délai de trois mois et payer des arrhes d’un montant de 25.000 EUR que A pourra garder si B ne lève pas l’option. Comme il ne s’agit pas d’une indemnité établie au contrat, elle ne relève pas du présent article et la somme ne peut donc être réduite même si elle est manifestement excessive par rapport aux circonstances.
4. A conclut un contrat avec B portant sur la location d’une machine. Le contrat prévoit qu’en cas de non-paiement par A d’une seule échéance, le contrat sera résolu de plein droit et les sommes déjà versées seront conservées par B à titre de dommages-intérêts. La clause relève du présent article et l’indemnité établie peut être sujette à réduction.