1) Une partie peut résoudre le contrat s’il y a inexécution essentielle de la part de l’autre partie.
2) Pour déterminer ce qui constitue une inexécution essentielle, on prend, notamment, en considération les circonstances suivantes:
a) l’inexécution prive substantiellement le créancier de ce qu’il était en droit d’attendre du contrat, à moins que le débiteur n’ait pas prévu ou n’ait pu raisonnablement prévoir ce résultat;
b) la stricte exécution de l’obligation est de l’essence du contrat;
c) l’inexécution est intentionnelle ou téméraire;
d) l’inexécution donne à croire au créancier qu’il ne peut plus compter dans l’avenir sur l’exécution du contrat;
e) le débiteur subirait, en cas de résolution, une perte excessive résultant de la préparation ou de l’exécution du contrat.
3) En cas de retard, le créancier peut également résoudre le contrat si le débiteur n’exécute pas dans le délai visé à l’article 7.1.5.
COMMENTAIRE
1. Résolution même en cas d’inexécution imputable au débiteur
Les règles exposées dans la présente Section visent à s’appliquer aux cas dans lesquels le débiteur est responsable de l’inexécution, comme à ceux dans lesquels il est exonéré du fait de l’inexécution de telle sorte que le créancier ne peut demander ni l’exécution en nature, ni des dommages-intérêts pour inexécution.
Illustration
1. A, société située dans le pays X, achète du vin à B situé dans le pays Y. Le Gouvernement du pays X impose par la suite un embargo sur les importations de produits agricoles en provenance du pays Y. Bien que l’empêchement ne puisse être attribué à A, B peut mettre fin au contrat.
2. Résolution du contrat et inexécution essentielle
La question de savoir si, dans un cas d’inexécution d’une partie, l’autre partie devrait pouvoir mettre fin au contrat dépend du poids d’un certain nombre de considérations. D’un côté, l’exécution peut être à ce point tardive ou défectueuse que le créancier ne peut l’utiliser dans le but voulu, ou encore le comportement du débiteur peut à d’autres égards être tel que le créancier devrait pouvoir mettre fin au contrat.
D’un autre côté, la résolution du contrat entraînera souvent un grave préjudice au débiteur qui ne pourra récupérer les dépenses engagées pour la préparation et l’exécution de la prestation.
Pour ces raisons, le paragraphe 1 du présent article prévoit que le créancier ne peut résoudre le contrat que si l’inexécution de l’autre partie est “essentielle”, c’est-à-dire qu’elle ne revêt pas seulement une importance mineure. Voir également les articles 7.3.3 et 7.3.4.
3. Circonstances à retenir pour déterminer si l’inexécution est essentielle
Le paragraphe 2 du présent article donne une liste de circonstances à prendre en considération pour déterminer, dans un cas donné, ce qui constitue une inexécution essentielle.
a. L’inexécution prive substantiellement l’autre partie de ce qu’elle attend
Le premier élément visé à l’alinéa a) du paragraphe 2 est que l’inexécution est à ce point essentielle que le créancier est substantiellement privé de ce qu’il était en droit d’attendre lors de la conclusion du contrat.
Illustration
2. Le 1er mai, A conclut un contrat en vertu duquel il doit livrer un logiciel standard avant le 15 mai à B qui a demandé une livraison rapide. Si A livre le 15 juin, B peut refuser la livraison et mettre fin au contrat.
Le créancier ne peut mettre fin au contrat si le débiteur peut démontrer qu’il n’avait pas prévu ou n’avait pu raisonnablement prévoir que l’inexécution était essentielle pour l’autre partie.
Illustration
3. A s’engage à enlever les déchets du site de B dans un délai de trente jours sans préciser le point de départ exact du délai. B n’informe pas A qu’il a loué des excavatrices à un prix très élevé pour commencer les travaux sur le site le 2 janvier. B ne peut pas mettre fin à son contrat avec A au motif que ce dernier n’avait pas nettoyé le site le 2 janvier.
b. La stricte exécution est de l’essence du contrat
L’alinéa b) du paragraphe 2 ne considère pas la gravité réelle de l’inexécution mais la nature de l’obligation contractuelle dont la stricte exécution pourrait être essentielle. De telles obligations d’exécution stricte ne sont pas inhabituelles dans les contrats commerciaux. Par exemple, dans des contrats de vente de marchandises le moment de la livraison est normalement considéré comme essentiel et dans une opération de crédit documentaire les documents délivrés doivent être strictement conformes aux termes du crédit.
c. Inexécution intentionnelle
L’alinéa c) du paragraphe 2 traite la situation dans laquelle l’inexécution est intentionnelle ou téméraire. Il peut cependant être contraire à la bonne foi (voir l’article 1.7) de résoudre le contrat si l’inexécution, bien que commise intentionnellement, n’est pas importante.
d. Pas d’espoir d’exécution future
En vertu de l’alinéa d) du paragraphe 2, le fait que l’inexécution donne à croire au créancier qu’il ne peut plus compter dans l’avenir sur l’exécution du contrat est important. Si une partie doit exécuter sa prestation de façon échelonnée, et qu’il est évident qu’un défaut trouvé dans l’une des exécutions précédentes se répétera lors de toutes les exécutions, le créancier peut résoudre le contrat même si les défauts dans l’exécution antérieure ne justifieraient pas en eux-mêmes la résolution.
Parfois un manquement intentionnel montre que l’on ne peut pas faire confiance à une partie.
Illustration
4. A, représentant de B, qui a droit au remboursement des frais, présente de faux justificatifs à B. Bien que les montants réclamés ne soient pas importants, B peut considérer le comportement de A comme une inexécution essentielle et résoudre le contrat de représentation.
e. Perte excessive
L’alinéa e) du paragraphe 2 traite des situations dans lesquelles une partie qui n’exécute pas sa prestation s’est prévalue du contrat et a préparé son exécution ou offert de l’exécuter. Dans ces cas, il faut tenir compte de la mesure dans laquelle cette partie subit une perte excessive si l’inexécution est considérée essentielle. Il est moins probable que l’inexécution soit considérée essentielle si elle a lieu plus tard, après la préparation ou l’exécution, que si elle a lieu bien avant la préparation de l’exécution. La question de savoir si une exécution proposée ou effectuée peut bénéficier au débiteur si elle est refusée ou doit être rendue à cette partie est également importante.
Illustration
5. Le 1er mai, A s’engage à livrer un logiciel spécialement produit par B. Il est convenu que la livraison aura lieu avant le 31 décembre. A offre de livrer le 31 janvier, date à laquelle B a encore besoin du logiciel que A ne peut pas vendre à d’autres usagers. B peut demander des dommages-intérêts à A mais ne peut pas résoudre le contrat.
4. Résolution après Nachfrist
Le paragraphe 3 fait référence à l’article 7.1.5 dont le paragraphe 3 prévoit que le créancier peut utiliser la procédure du Nachfrist pour résoudre un contrat qui ne pourrait être autrement résolu en cas de retard (voir le Commentaire 2 à l’article 7.1.5).
1) La résolution du contrat s’opère par notification au débiteur.
2) Lorsque l’offre d’exécution est tardive ou que l’exécution n’est pas conforme, le créancier perd le droit de résoudre le contrat s’il ne fait parvenir à l’autre partie une notification dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l’offre ou de la non-conformité.
COMMENTAIRE
1. L’obligation de notification
Le paragraphe 1 du présent article réaffirme le principe selon lequel le droit d’une partie de résoudre le contrat s’opère par notification à l’autre partie. La condition de notification permettra au débiteur d’éviter tout préjudice dû à l’incertitude quant à savoir si le créancier acceptera l’exécution. Elle empêche en même temps le créancier de spéculer sur une hausse ou une baisse de la valeur de l’exécution au détriment du débiteur.
2. Dépassement de l’échéance
Lorsque la prestation est due mais n’a pas été exécutée, le créancier agira en fonction de ce qu’il souhaite et de ce qu’il sait.
Il se peut que le créancier ne sache pas si l’autre partie a l’intention d’exécuter sa prestation et ne veuille plus l’exécution, ou n’ait rien décidé. Dans ce cas, le créancier peut attendre et voir si une offre d’exécution est ensuite proposée, puis décider selon le cas (paragraphe 2). Il peut également encore vouloir que l’autre partie exécute sa prestation auquel cas il doit exiger l’exécution dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l’inexécution (voir l’article 7.2.2(e)).
Le présent article ne traite pas de la situation dans laquelle le débiteur demande au créancier s’il acceptera une exécution tardive. Il ne traite pas non plus de la situation dans laquelle le créancier apprend d’une autre source que le débiteur a quand même l’intention d’exécuter sa prestation. Dans de tels cas, la bonne foi (voir l’article 1.7) peut exiger que le créancier informe l’autre partie s’il ne souhaite pas accepter l’exécution tardive. S’il ne le fait pas, il peut être tenu à des dommages-intérêts.
3. “Délai raisonnable”
Le créancier qui souhaite mettre fin au contrat doit le notifier à l’autre partie dans un délai raisonnable à partir du moment où il a eu, ou aurait dû avoir, connaissance de l’inexécution (paragraphe 2).
Le caractère “raisonnable” dépend des circonstances. Dans les cas où le créancier peut obtenir facilement une autre exécution et peut donc spéculer sur une hausse ou une baisse du prix, la notification doit être donnée sans délai. Lorsqu’il doit se renseigner pour savoir s’il peut obtenir une autre exécution d’autres sources, le délai raisonnable sera plus long.
4. Nécessité de la réception de la notification
La notification que le créancier doit envoyer prend effet lorsqu’elle parvient au débiteur (voir l’article 1.10).
Une partie est fondée à résoudre le contrat si, avant l’échéance, il est manifeste qu’il y aura inexécution essentielle de la part de l’autre partie.
COMMENTAIRE
Le présent article pose le principe selon lequel l’inexécution à laquelle il faut s’attendre doit être considérée comme une inexécution à l’échéance. Il est nécessaire qu’il soit manifeste qu’il y aura inexécution; un soupçon, même bien fondé, n’est pas suffisant. Il faut par ailleurs que l’inexécution soit essentielle et que la partie devant recevoir l’exécution notifie la résolution.
Le cas dans lequel une partie déclare qu’elle n’exécutera pas le contrat est un exemple d’inexécution anticipée; toutefois, les circonstances peuvent également indiquer qu’il y aura inexécution essentielle.
Illustration
A promet de livrer du pétrole à B par M/S Paul au terminal dans le pays X le 3 février. Le 25 janvier M/S Paul est encore à 2.000 kilomètres du terminal. A la vitesse à laquelle il va, il n’arrivera pas le 3 février mais le 8 au plus tôt. Comme le temps est un élément essentiel du contrat, il faut s’attendre à un retard important et B peut résoudre le contrat avant le 3 février.
La partie qui croit raisonnablement qu’il y aura inexécution essentielle de la part de l’autre partie peut exiger d’elle des assurances suffisantes de bonne exécution et peut, dans l’intervalle, suspendre l’exécution de ses propres obligations. Elle peut résoudre le contrat si ces assurances ne sont pas fournies dans un délai raisonnable.
COMMENTAIRE
1. Prévision raisonnable d’inexécution essentielle
Le présent article protège l’intérêt d’une partie qui a des raisons de croire que l’autre ne pourra ou ne voudra pas exécuter le contrat à l’échéance mais qui ne peut pas invoquer l’article 7.3.3 parce qu’il existe encore une possibilité que l’autre partie pourra ou voudra exécuter le contrat. En l’absence de la règle posée dans le présent article, la première partie se trouverait souvent face à un dilemme. Si elle attend l’échéance du contrat et que l’exécution n’a pas lieu, elle pourrait subir un préjudice. Si, d’un autre côté, elle met fin au contrat et qu’il apparaît que l’autre partie aurait exécuté sa prestation, son action équivaudra à une inexécution du contrat et cette partie sera tenue à des dommages-intérêts.
2. Droit de suspendre l’exécution en attendant des assurances suffisantes de bonne exécution
En conséquence, le présent article permet à une partie qui croit raisonnablement qu’il y aura inexécution essentielle de la part de l’autre partie d’exiger d’elle des assurances de bonne exécution et de suspendre dans l’intervalle l’exécution de ses propres obligations. La question de savoir ce que sont des assurances suffisantes dépendra des circonstances. Dans certains cas la déclaration de l’autre partie qu’elle exécutera ses obligations sera suffisante, alors que dans d’autres une demande de sûreté ou de garantie d’un tiers pourrait être justifiée.
Illustration
A, constructeur de bateau ne disposant que d’une seule cale, promet de construire un yacht pour B à livrer le 1er mai au plus tard. Peu après, B apprend de C que A a promis de construire un yacht pour C au cours de la même période. B est en droit de demander à A des assurances suffisantes que le yacht sera livré à temps et A devra alors fournir à B une explication satisfaisante sur la façon dont il entend exécuter son contrat avec B.
3. Résolution du contrat
A défaut d’assurances suffisantes de bonne exécution, l’autre partie peut résoudre le contrat.
1) La résolution du contrat libère pour l’avenir les parties de leurs obligations respectives.
2) Elle n’exclut pas le droit de demander des dommages-intérêts pour inexécution.
3) Elle n’a pas d’effet sur les clauses du contrat relatives au règlement des différends ni sur toute autre clause destinée à produire effet même en cas de résolution.
COMMENTAIRE
1. Extinction des obligations futures
Le paragraphe 1 du présent article pose le principe général selon lequel la résolution produit des effets pour l’avenir en ce qu’elle libère les parties de leurs obligations futures respectives.
2. Droit de demander des dommages-intérêts
Le fait que, en vertu de la résolution, le contrat prenne fin, ne prive pas le créancier de son droit de demander des dommages-intérêts pour inexécution conformément aux règles posées dans la Section 4 du présent Chapitre.
Illustration
1. A vend à B des machines pour une production particulière. Après que B ait commencé à faire fonctionner les machines, de graves défauts de celles-ci ont conduit à la fermeture de l’usine d’assemblage de B. B déclare le contrat résolu et il peut encore demander des dommages-intérêts (voir l’article 7.3.5(2)).
3. Clauses du contrat non affectées par la résolution
Malgré la règle posée au paragraphe 1, il se peut que quelques clauses du contrat survivent à sa résolution. C’est en particulier le cas des clauses relatives au règlement des différends mais il peut y en avoir d’autres qui, par leur nature, sont destinées à produire effet même en cas de résolution.
Illustration
2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici A donne à B des informations confidentielles nécessaires à la production et B convient de ne pas les divulguer aussi longtemps qu’elles ne sont pas du domaine public. Le contrat contient également une clause prévoyant que les différends seront portés devant les tribunaux du pays de A. Même après la résolution du contrat de son fait, B reste dans l’obligation de ne pas divulguer les informations confidentielles, et tout différend relatif au contrat et à ses effets doit être porté devant les tribunaux du pays de A (voir l’article 7.3.5(3)).
1) Après résolution d’un contrat à exécuter en une seule fois, chaque partie peut demander la restitution de ce qu’elle a fourni en exécution du contrat, pourvu qu’elle procède simultanément à la restitution de ce qu’elle a reçu.
2) Si la restitution en nature s’avère impossible ou n’est pas appropriée, elle doit, si cela est raisonnable, être exécutée en valeur.
3) Celui qui reçoit l’exécution n’est pas tenu de restituer en valeur si l’impossibilité de restituer en nature est imputable à l’autre partie.
4) Une indemnité peut être demandée pour les frais raisonnablement nécessaires pour préserver ou conserver ce qui a été reçu.
COMMENTAIRE
1. Contrats à exécuter en une fois
Cet article concerne seulement les contrats à exécuter en une fois. Un régime différent s’applique aux contrats en vertu desquels l’exécution caractéristique se prolonge dans le temps (voir l’article 7.3.7). L’exemple le plus fréquent d’un contrat à exécuter en une fois est le contrat de vente ordinaire où l’objet de la vente tout entier doit être transféré à un moment particulier. Toutefois, cet article concerne également des contrats, tels que les contrats de construction, dans lesquels l’entrepreneur est tenu de remettre l’ensemble de l’ouvrage qui doit être accepté par le client à un moment particulier. Le contrat clé en main constitue un exemple important.
Habituellement dans un contrat commercial, une partie doit payer une somme d’argent pour l’exécution qu’elle a reçue. Cette obligation n’est pas l’obligation caractéristique du contrat. En conséquence, même lorsque le prix d’achat doit être payé de façon échelonnée, le contrat de vente relèvera du présent article, dès lors que l’exécution du vendeur doit se faire en une seule fois.
2. Droit des parties à la restitution après la résolution du contrat
Le paragraphe 1 de l’article accorde à chaque partie le droit de demander la restitution de ce qu’elle a fourni en exécution du contrat, pourvu qu’elle procède simultanément à la restitution de ce qu’elle a reçu.
Illustration
1. Lors de l’acquisition d’une société, l’actionnaire majoritaire A convient de vendre et transférer à B des actions pour une valeur de 1.000.000 GBP. B paie seulement 600.000 GBP après que les actions ont été transférées, et A met fin au contrat. A peut demander la restitution des actions. Au même moment, A doit restituer le montant de 600.000 GBP qu’il a reçu de B.
Cette règle s’applique également lorsque le créancier a fait une mauvaise affaire. Si, dans le cas mentionné dans l’Illustration 1, la valeur réelle sur le marché des actions est de 1.200.000 GBP, A peut toujours demander la restitution des actions.
Cet article s’applique aussi à la situation dans laquelle le créancier a versé de l’argent pour des biens, des services ou d’autres prestations qu’il n’a pas reçus ou qui sont défectueux.
Illustration
2. Le marchand d’art A vend un tableau de Constable au marchand d’art B pour 600.000 EUR. B paie 200.000 EUR seulement lors de la remise du tableau et A met fin au contrat. Par la suite, il apparaît que le tableau n’est pas un Constable mais une copie. A la résolution du contrat, B peut réclamer l’argent qu’il a versé et doit restituer le tableau à A.
Pour ce qui est des coûts impliqués par la restitution, l’article 6.1.11 s’applique.
3. Restitution en nature impossible ou inappropriée
La restitution doit normalement être effectuée en nature. Il y a, toutefois, des cas dans lesquels la restitution doit être exécutée en valeur. C’est le cas avant tout lorsque la restitution en nature est impossible. La valeur de la restitution équivaut habituellement à la valeur de l’exécution reçue.
Illustrations
3. La société A, qui s’est engagée à effectuer des travaux de terrassement sur un site de la société B, s’arrête après avoir exécuté seulement une partie des travaux. B met alors fin au contrat et il devra payer à A une somme indemnisant celui-ci pour les travaux accomplis, évalués en fonction de la valeur qu’ils revêtent pour B. En même temps, B pourra agir contre A pour le préjudice qu’il aurait subi par suite de l’inexécution du contrat par A (voir l’article 7.3.5(2)).
4. Une société A affrète un navire pour une croisière d’entreprise pour ses employés sur la grande barrière de corail australienne. A mi-parcours, une panne du navire les empêche de poursuivre la croisière. A met fin au contrat avec B, propriétaire de la société organisant la croisière, et fait rentrer ses employés en avion. Si A a déjà versé le prix, il peut en demander la restitution. En même temps, A doit à B la valeur de la portion de croisière effectuée. En outre, A a droit à des dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de l’inexécution de B (voir l’article 7.3.5(2)).
Une indemnité est en outre prévue au paragraphe 2 de l’article lorsque la restitution en nature n’est pas appropriée. C’est notamment le cas lorsque la restitution en nature entraînerait des efforts ou des dépenses déraisonnables. Le critère dans ce contexte est le même que celui qui préside à l’article 7.2.2(b).
Illustration
5. Un artiste A a vendu 200 bagues plaquées argent à un commerçant B. B n’a pas payé les bagues et A a mis fin au contrat. Il s’avère que B a entre-temps expédié les bagues à son établissement commercial et que le navire sur lequel elles étaient transportées a sombré. Même s’il serait possible, à grands frais, de récupérer les bagues dans le navire qui a sombré, on ne peut s’attendre à ce que B le fasse. B doit payer une somme raisonnable à A, évaluée en fonction de la valeur des bagues.
La précision selon laquelle la restitution doit être exécutée en valeur “si cela est raisonnable”, est destinée à indiquer clairement qu’une telle restitution en valeur ne doit être faite que si, et dans la mesure où, l’exécution reçue constitue un avantage pour son bénéficiaire. Cela n’est pas le cas, par exemple, lorsque la défaillance qui donne au bénéficiaire de l’exécution le droit de mettre fin au contrat n’est apparue que durant l’exécution elle-même.
Illustration
6. La société A charge la société B de la conception d’un logiciel pour améliorer son système de communication interne. Après que B ait conçu et installé le logiciel, il apparaît que celui-ci n’a pas les fonctions voulues. A peut mettre fin au contrat et exiger le prix payé, mais, puisque le système installé est dépourvu de valeur pour A, il ne serait pas raisonnable de demander à A de payer à B une indemnité pour le logiciel installé.
4. Répartition du risque
La règle contenue au paragraphe 2 implique une répartition du risque: elle impose au bénéficiaire de l’exécution une obligation d’effectuer une restitution en valeur s’il n’est pas en mesure de faire une restitution en nature. La règle du paragraphe 2 s’applique même si le bénéficiaire est responsable de la détérioration ou de la destruction de ce qu’il a reçu. Cette répartition du risque de la détérioration ou de la destruction est justifiée en particulier par le fait que le risque doit être à la charge de la personne qui a le contrôle de l’exécution. En revanche, il n’y a pas d’obligation d’effectuer une restitution en valeur lorsque la détérioration ou la destruction est imputable à l’autre partie, soit parce qu’elle a été causée par la faute de celle-ci, soit en raison d’un vice inhérent à l’exécution. C’est ce qui justifie la règle du paragraphe 3.
Illustration
7. Le fabricant A vend et livre une voiture de luxe à la société B. La voiture a des freins défectueux et, de ce fait, percute une autre voiture et est entièrement détruite. Compte tenu du fait que la voiture est inappropriée à son usage prévu, B peut mettre fin au contrat et réclamer le prix d’achat. B n’a pas à verser d’indemnité du fait qu’il ne peut restituer la voiture.
L’obligation du bénéficiaire de payer la valeur de ce qu’il a reçu n’est pas exclue lorsque la détérioration ou la destruction se serait également produite s’il n’y avait pas eu d’exécution.
Illustration
8. Le fabricant A vend et livre une voiture à la société B. Après la livraison, la voiture est entièrement détruite lors d’une tempête qui a inondé les terrains de A et de B. B annule le contrat en raison d’un défaut de la voiture. B peut réclamer le prix d’achat mais, en même temps, il doit restituer la valeur de la voiture avant sa destruction.
La question de l’obligation du bénéficiaire de l’exécution de reverser la valeur de la prestation ne se pose que lorsque la détérioration ou la destruction intervient avant la résolution du contrat. Si ce qui a été fourni en exécution du contrat est détérioré ou détruit après la résolution du contrat, ce sont les règles générales sur l’inexécution qui s’appliquent puisque, après la résolution du contrat, le bénéficiaire de l’exécution doit restituer ce qu’il a reçu. Toute inexécution de cette obligation donne au cocontractant le droit de réclamer des dommages-intérêts conformément à l’article 7.4.1, sauf si l’inexécution est due à un cas d’exonération en vertu de l’article 7.1.7.
Illustration
9. La société A vend et livre à la société B une limousine dont le toit n’est pas étanche. Compte tenu du fait que la limousine est inappropriée à son usage prévu, B peut résoudre le contrat. Il peut de ce fait réclamer le prix d’achat, mais il doit restituer la limousine. Avant que B ait pu restituer la voiture, celle-ci est entièrement détruite par une tempête. A ne peut pas réclamer des dommages-intérêts parce que B est exonéré en vertu de l’article 7.1.7.
5. Indemnité pour des frais afférents à l’exécution
Le bénéficiaire d’une exécution peut avoir engagé des dépenses pour l’entretien de l’objet de l’exécution. Il est raisonnable de lui permettre de demander d’être indemnisé de ces frais lorsque le contrat a été résolu et que, dès lors, les parties doivent restituer ce qu’elles ont reçu.
Illustration
10. La société A a vendu et remis un cheval de course à la société B. Après quelque temps, il apparaît que le cheval ne provient pas, comme l’avait promis A, d’un étalon particulier. B résout le contrat. B peut demander des dommages-intérêts pour les frais encourus pour l’alimentation et les soins du cheval.
Cette règle s’applique seulement aux frais raisonnables. Pour déterminer ce qui est raisonnable, il sera tenu compte des circonstances de l’espèce. Dans l’Illustration 10, il sera pertinent de savoir si le cheval avait été vendu comme un cheval de course ou comme un cheval de ferme ordinaire.
Une indemnité ne peut être demandée pour d’autres frais liés à l’exécution reçue, même s’ils sont raisonnables.
Illustration
11. La société A a vendu et remis un logiciel à la société B. B découvre ensuite que le logiciel est dépourvu d’une certaine fonctionnalité qu’il était supposé avoir. B demande à C d’établir si cette fonctionnalité peut encore être intégrée. Etant donné que ce n’est pas possible, B résout le contrat. B ne peut pas obtenir restitution par A des honoraires qu’il a payés à C au titre des frais visés au paragraphe 4.
6. Profits
Les Principes ne prennent pas position sur les profits réalisés par suite de l’exécution, ou sur les intérêts qui auront été gagnés. Dans la pratique commerciale, il sera souvent difficile de déterminer la valeur des profits réalisés par les parties à raison de l’exécution. En outre, souvent, les deux parties auront réalisé de tels profits.
7. Droits des tiers non affectés
Comme d’autres articles des Principes, cet article traite des relations entre les parties et non pas des droits sur les biens concernés que les tiers peuvent avoir acquis. La question de savoir, par exemple, si un créancier de l’acheteur, l’administrateur de la faillite de l’acheteur, ou un acquéreur de bonne foi peut s’opposer à la restitution des biens vendus doit être déterminée conformément à la loi nationale applicable.
1) Après résolution d’un contrat dont l’exécution se prolonge dans le temps, la restitution ne peut avoir lieu que pour la période postérieure à la résolution, à condition que le contrat soit divisible.
2) Dans la mesure où il y a restitution, les dispositions de l’article 7.3.6 s’appliquent.
COMMENTAIRE
1. Contrats dont l’exécution se prolonge dans le temps
Les contrats dont l’exécution se prolonge dans le temps sont au moins aussi importants, commercialement parlant, que les contrats qui sont exécutés en une fois, tels que les contrats de vente dans lesquels l’objet de la vente doit être transféré à un moment déterminé. Ces contrats comprennent les contrats de location (par exemple, les locations de matériel), les contrats de distribution, de sous-traitance, de franchise, de licence et d’agence commerciale, ainsi que les contrats de services en général. Cet article couvre également les contrats de vente où les marchandises doivent être livrées de façon échelonnée. Les exécutions successives en vertu de tels contrats peuvent intervenir sur une longue période avant qu’il soit mis fin au contrat, et il peut donc être inapproprié de remettre en cause ces exécutions. En outre, la résolution est une mesure qui produit des effets seulement dans l’avenir. La restitution, en conséquence, ne peut avoir lieu que pour la période postérieure à la résolution.
Illustration
1. A s’engage à assurer la maintenance des ordinateurs de la société B – matériel et logiciels – pendant une durée de cinq ans. Après trois années de service régulier, A est contraint d’interrompre ses services pour cause de maladie et le contrat est résolu. B qui a payé A pour la quatrième année, peut exiger la restitution des sommes versées à l’avance pour cette année, mais non pas les sommes payées pour les trois années d’assistance régulière.
Etant donné que le contrat est résolu seulement pour l’avenir, tout paiement restant dû au titre de prestations exécutées peut encore être exigé. Cet article ne fait pas obstacle à ce que soit intentée une action en dommages-intérêts.
Illustrations
2. La société A loue du matériel à la société B pour une durée de trois ans à un loyer de 10.000 EUR par mois. B paie ponctuellement les deux premiers mois, puis interrompt les paiements malgré les demandes réitérées de A. Après cinq mois, A met fin à la location. A est en droit de conserver les 20.000 EUR qu’il a reçus (voir l’article 7.3.7(1)) et d’obtenir paiement des 30.000 EUR qui sont dus et échus (sur le fondement du contrat de location qui est résolu seulement pour l’avenir), ainsi que des dommages-intérêts pour inexécution (voir l’article 7.3.5(2)).
3. L’hôpital A engage B pour effectuer des services de nettoyage, le contrat étant prévu pour une durée de trois ans. Après une année, B informe A qu’il ne continuera de fournir ses services qu’au double du prix. A refuse cette condition et B suspend ses services. A la résolution du contrat, A peut obtenir des dommages-intérêts pour tous frais encourus pour engager une autre société de nettoyage (voir l’article 7.4.1 conjointement avec l’article 7.3.5(2)), tandis que B est en droit de conserver les paiements qu’il a reçus pour les services fournis (voir l’article 7.3.7(1)).
La règle selon laquelle la restitution ne peut avoir lieu que pour la période postérieure à la résolution ne s’applique pas si le contrat est indivisible.
Illustration
4. A s’engage à peindre dix tableaux représentant un même événement historique pour la salle de réception de B. Après avoir remis cinq tableaux et avoir été payé pour ceux-ci, A abandonne le travail. Etant donné que pour la décoration de la salle, il est prévu dix tableaux exécutés par le même peintre montrant différents aspects du même événement historique, B peut demander la restitution des sommes versées à A et il doit restituer les cinq tableaux à A.
2. Restitution
Cet article énonce une règle spéciale qui, s’agissant de contrats dont l’exécution se prolonge dans le temps, exclut la restitution des prestations exécutées dans le passé. Pour autant qu’ait lieu une restitution en vertu de cet article, elle est soumise aux dispositions de l’article 7.3.6.