L’erreur est une fausse croyance relative aux faits ou au droit existant au moment de la conclusion du contrat.
COMMENTAIRE
1. Erreur de fait et erreur de droit
Le présent article assimile une erreur relative à des faits à une erreur relative au droit. Un traitement juridique identique des deux types d’erreur semble justifié du fait de la complexité croissante des systèmes juridiques modernes. Pour le commerce transfrontière, les difficultés causées par cette complexité sont exacerbées par le fait qu’une transaction individuelle peut être affectée par des systèmes juridiques étrangers et par conséquent non familiers.
2. Moment décisif
L’article indique que l’erreur implique une fausse croyance relative aux circonstances de fait ou de droit existant au moment de la conclusion du contrat.
L’objectif de la fixation de cet élément temporel est de distinguer les cas dans lesquels les règles relatives à l’erreur avec leurs remèdes particuliers s’appliquent des cas relatifs à l’inexécution. En effet, on peut très bien considérer un cas typique d’erreur, selon le point de vue choisi, comme impliquant un obstacle qui empêche ou entrave l’exécution du contrat. Si une partie a conclu un contrat sur la base d’une fausse croyance quant au contexte factuel ou juridique et a par conséquent mal jugé les perspectives du contrat, les règles sur l’erreur s’appliqueront. Si, d’un autre côté, une partie a une compréhension correcte des circonstances mais commet une erreur de jugement quant aux perspectives et refuse plus tard d’exécuter ses obligations, il s’agit alors plus d’un cas d’inexécution que d’une erreur.
1) La nullité pour cause d’erreur ne peut être invoquée par une partie que si, lors de la conclusion du contrat, l’erreur était d’une importance telle qu’une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, ne se serait pas engagée ou ne se serait engagée qu’à des conditions substantiellement différentes si elle avait eu connaissance de la situation véritable, et que l’autre partie:
a) a commis la même erreur ou a été à l’origine de celle-ci ou encore a connu ou aurait dû connaître son existence et qu’il était contraire aux exigences de la bonne foi en matière commerciale de laisser la victime dans l’erreur; ou
b) n’a pas agi raisonnablement, au moment de l’annulation, en se prévalant des dispositions du contrat.
2) En outre, la nullité pour cause d’erreur ne peut être invoquée lorsque:
a) l’erreur découle de la faute lourde de la partie qui l’a commise; ou
b) l’erreur porte sur une matière dans laquelle le risque d’erreur avait été assumé ou, eu égard aux circonstances, devait être assumé par la partie qui est dans l’erreur.
COMMENTAIRE
Le présent article établit les conditions nécessaires pour qu’une erreur soit pertinente en vue de l’annulation du contrat. La première partie du paragraphe 1 détermine les conditions dans lesquelles une erreur est suffisamment importante pour être prise en compte; les alinéas a) et b) du paragraphe 1 ajoutent les conditions concernant la partie autre que la victime; le paragraphe 2 traite des conditions concernant la victime de l’erreur.
1. Erreur grave
Pour être pertinente, une erreur doit être grave. Son poids et son importance doivent être évalués par référence à un critère combiné objectif/subjectif, à savoir ce qu’ “une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances [que la partie qui est dans l’erreur]” aurait fait si elle avait eu connaissance de la situation véritable lors de la conclusion du contrat. Si elle ne se serait pas engagée, ou ne se serait engagée qu’à des conditions substantiellement différentes, l’erreur est alors, et seulement à ce moment-là, considérée comme grave.
Dans ce contexte la première partie du paragraphe 1 utilise une formule flexible plutôt que de donner des éléments essentiels spécifiques du contrat sur lesquels l’erreur doit porter. Cette approche souple permet de tenir pleinement compte des intentions des parties et des circonstances de l’espèce. Dans la détermination des intentions des parties, les règles relatives à l’interprétation posées au Chapitre 4 doivent s’appliquer. Les critères commerciaux généraux et les usages pertinents seront particulièrement importants.
Habituellement dans les transactions commerciales certaines erreurs telles que celles concernant la valeur des biens ou des services, ou les seules attentes ou motivations de la partie dans l’erreur, ne sont pas considérées comme pertinentes. Il en est de même des erreurs quant à l’identité de l’autre partie ou à ses qualités personnelles, bien que parfois des circonstances spéciales puissent rendre ces erreurs pertinentes (par exemple lorsque les services à rendre exigent certaines qualifications personnelles ou lorsqu’un prêt est fondé sur la capacité de remboursement de l’emprunteur).
Le fait qu’une personne raisonnable considérerait comme essentielles des circonstances faussement perçues n’est cependant pas suffisant, parce qu’il existe d’autres conditions concernant la partie dans l’erreur et l’autre partie pour qu’une erreur devienne pertinente.
2. Conditions concernant la partie autre que celle dans l’erreur
La partie qui est dans l’erreur ne peut annuler le contrat que si l’autre partie répond à l’une des quatre conditions posées au paragraphe 1.
Les trois premières conditions indiquées à l’alinéa a) ont en commun le fait que l’autre partie ne mérite pas d’être protégée parce qu’elle est impliquée d’une façon ou d’une autre dans l’erreur de la victime.
La première condition est que les deux parties aient été victimes de la même erreur.
Illustration
1. Lors de la conclusion d’un contrat pour la vente d’une voiture de sport, A et B ne savaient pas et ne pouvaient pas savoir que la voiture avait entre-temps été volée. L’annulation du contrat peut être admise.
Toutefois, si les parties croient de façon erronée que l’objet du contrat existe lors de la conclusion du contrat, alors qu’en réalité il avait déjà été détruit, il faut prendre en considération l’article 3.1.3.
La deuxième condition est que l’erreur dont une partie est victime ait été causée par l’autre partie. Tel est le cas lorsqu’on peut lier l’erreur à des déclarations ou à des comportements spécifiques de l’autre partie, qu’ils soient exprès ou implicites, qu’ils résultent ou non d’une négligence. Même le silence peut causer une erreur. Une simple exagération dans une publicité ou dans des négociations sera normalement tolérée (dolus bonus).
Si l’erreur a été causée intentionnellement, l’article 3.2.5 s’applique.
La troisième condition est que l’autre partie ait connu ou aurait dû connaître l’existence de l’erreur et qu’il était contraire aux exigences de la bonne foi en matière commerciale de laisser la victime dans l’erreur. Ce que l’autre partie aurait dû connaître est ce qu’une personne raisonnable placée dans la même situation aurait dû connaître. Afin d’annuler le contrat, la partie dans l’erreur doit également démontrer que l’autre partie avait le devoir de l’informer de son erreur.
La quatrième condition, qui figure à l’alinéa b), est que l’autre partie n’ait pas agi raisonnablement au moment de l’annulation en se prévalant des dispositions du contrat. Pour le moment de l’annulation, voir les articles 3.2.12 et 1.10.
3. Conditions concernant la partie dans l’erreur
Le paragraphe 2 du présent article mentionne deux cas dans lesquels la partie dans l’erreur ne peut annuler le contrat.
Dans le premier qui figure à l’alinéa a), l’erreur découle de la faute lourde de la partie qui l’a commise. Dans une telle situation il serait injuste pour l’autre partie de permettre à la partie dans l’erreur d’annuler le contrat.
L’alinéa b) envisage la situation dans laquelle la partie qui est dans l’erreur a assumé le risque d’erreur ou que, eu égard aux circonstances, elle devrait l’assumer. Le fait d’assumer le risque d’erreur est un élément fréquent des contrats spéculatifs. Une partie peut conclure un contrat dans l’espoir que l’hypothèse de l’existence de certains faits se vérifie, mais peut néanmoins s’engager à assumer le risque qu’il n’en soit pas ainsi. Dans ce cas elle ne pourra pas annuler le contrat pour cette erreur. Illustration
2. A vend à B un tableau “attribué” à un peintre relativement inconnu C à un bon prix pour ce type de peinture. L’on découvre par la suite que l’œuvre a été peinte par l’artiste connu D. A ne peut pas annuler le contrat avec B du fait de son erreur puisque le fait que la peinture n’était qu’ “attribuée” à C impliquait le risque qu’elle ait été peinte par un artiste plus renommé.
Parfois les deux parties assument le risque. Toutefois, les contrats spéculatifs qui impliquent des espoirs divergents quant aux futurs développements, par exemple ceux concernant les prix et les taux de change, ne peuvent être annulés pour cause d’erreur parce que l’erreur ne concernerait pas des faits existant lors de la conclusion du contrat.
L’erreur commise dans l’expression ou la transmission d’une déclaration est imputable à l’auteur de cette déclaration.
COMMENTAIRE
Le présent article assimile une erreur dans l’expression ou la transmission d’une déclaration à une erreur ordinaire de la personne faisant une déclaration ou l’envoyant; les règles de l’article 3.1.4, de l’article 3.2.2 et des articles 3.2.9 à 3.2.16 s’appliquent donc également à ces types d’erreur.
1. Erreur pertinente
Si une erreur dans l’expression ou la transmission est d’une ampleur suffisante (en particulier si elle consiste en une inexactitude de chiffres), le destinataire sera au courant de l’erreur, ou devrait l’être. Puisque rien dans les Principes n’empêche le destinataire d’accepter l’offre mal exprimée ou transmise, il appartient à l’expéditeur/auteur de l’offre d’invoquer l’erreur et d’annuler le contrat sous réserve que les conditions de l’article 3.2.2 soient remplies, en particulier qu’il était contraire aux exigences de la bonne foi en matière commerciale que le destinataire n’informe pas l’expéditeur de l’erreur.
Dans certains cas le risque de l’erreur peut avoir été assumé par l’expéditeur, ou devrait lui être imposé, s’il utilise une méthode de transmission qu’il sait, ou devrait savoir, non sûre en général ou dans les circonstances particulières de l’espèce.
2. Erreurs de la part du destinataire
La transmission prend fin dès que le message est parvenu au destinataire (voir l’article 1.10).
Si le message est correctement transmis mais que le destinataire en comprend mal le contenu, le cas ne relève pas du champ d’application du présent article.
Si le message est correctement transmis à la machine du destinataire qui, toutefois, en raison d’une faute technique, imprime un texte altéré, le cas est à nouveau en dehors du champ d’application du présent article. Il en est de même si, sur demande du destinataire, un message est transmis oralement à son intermédiaire qui ne le comprend pas ou le transmet de façon erronée.
Dans les deux situations ci-dessus mentionnées le destinataire peut cependant invoquer sa propre erreur conformément à l’article 3.2.2 s’il répond à l’expéditeur et fonde sa réponse sur une mauvaise compréhension du message de l’expéditeur et si toutes les conditions de l’article 3.2.2 sont remplies.
La nullité du contrat pour cause d’erreur ne peut être invoquée par une partie lorsque les circonstances donnent ou auraient pu donner ouverture à un moyen fondé sur l’inexécution.
COMMENTAIRE
1. Préférence pour les moyens ouverts en cas d’inexécution
Le présent article entend résoudre le conflit qui peut se poser entre l’annulation pour cause d’erreur et les moyens ouverts en cas d’inexécution. Dans l’éventualité d’un tel conflit, préférence est donnée aux moyens en cas d’inexécution parce qu’ils semblent plus adaptés et plus souples que la solution radicale de l’annulation. 2. Conflits réels et potentiels
Un conflit réel entre les moyens pour remédier à l’erreur et ceux en cas d’inexécution se pose lorsque les deux moyens sont invoqués à partir de faits essentiellement semblables.
Illustration
A, fermier, trouve une coupe rouillée dans le sol et la vend à B, négociant d’art, pour 10.000 EUR. Le prix élevé se base sur l’hypothèse des deux parties que la coupe est en argent (d’autres objets en argent avaient préalablement été trouvés dans le même terrain). Il s’avère par la suite que la coupe est seulement en fer et ne vaut que 1.000 EUR. B refuse d’accepter la coupe et de la payer au motif qu’elle n’a pas la qualité prévue. B annule également le contrat au motif que l’erreur porte sur la qualité de la coupe. B ne peut invoquer que les moyens fondés sur l’inexécution.
Il se peut que le conflit entre les deux types de moyens ne soit que potentiel car la partie qui est dans l’erreur aurait pu se prévaloir d’un moyen ouvert en cas d’inexécution, mais ne peut pas le faire à cause de circonstances particulières, par exemple parce qu’un délai de prescription est expiré. Même dans ce cas le présent article s’applique; en conséquence, l’annulation pour cause d’erreur est exclue.
La nullité du contrat pour cause de dol peut être invoquée par une partie lorsque son engagement a été déterminé par les manœuvres frauduleuses de l’autre partie, notamment son langage ou ses actes, ou lorsque cette dernière, contrairement aux exigences de la bonne foi en matière commerciale, a omis frauduleusement de faire part à la première de circonstances particulières qu’elle aurait dû révéler.
COMMENTAIRE
1. Dol et erreur
L’annulation d’un contrat par une partie pour cause de dol a quelques ressemblances avec l’annulation pour un certain type d’erreur. On peut considérer le dol comme un cas spécial d’erreur causée par l’autre partie. Le dol, comme l’erreur, peut impliquer des déclarations ou des comportements, exprès ou implicites, des faits mensongers ou la non-révélation de faits véridiques.
2. Notion de dol
La distinction décisive entre le dol et l’erreur tient dans la nature et l’objectif des déclarations et des comportements de l’auteur du dol. C’est le caractère dolosif des déclarations ou des comportements ou de la non-révélation de faits pertinents qui donne à la victime le droit d’annuler le contrat. Un comportement est dolosif s’il doit induire l’autre partie en erreur et vise à obtenir ainsi un avantage au détriment de l’autre partie. La nature répréhensible du dol suffit à en faire un motif d’annulation sans que la présence des autres conditions posées à l’article 3.2.2 soit nécessaire pour que l’erreur devienne pertinente.
Une simple exagération dans une publicité ou dans des négociations ne suffit pas.
La nullité du contrat pour cause de contrainte peut être invoquée par une partie lorsque son engagement a été déterminé par les menaces injustifiées de l’autre partie, dont l’imminence et la gravité, eu égard aux circonstances, ne laissent à la première aucune autre issue raisonnable. Une menace est, notamment, injustifiée lorsque l’acte ou l’omission dont une partie est menacée est en soi illicite, ou qu’est illicite le recours à une telle menace en vue d’obtenir la conclusion du contrat.
COMMENTAIRE
Le présent article permet l’annulation d’un contrat pour cause de contrainte.
1. Menace imminente et grave
La menace en elle-même n’est pas suffisante. Elle doit être tellement imminente et grave que la personne menacée n’a pas d’autre issue raisonnable que de conclure le contrat dans les termes proposés par l’autre partie. L’imminence et la gravité de la menace doivent être évaluées selon un critère objectif, en tenant compte des circonstances de l’espèce.
2. Menace injustifiée
La menace doit en outre être injustifiée. La deuxième phrase du présent article donne, en guise d’illustration, deux exemples de menace injustifiée. Le premier envisage le cas dans lequel l’acte ou l’omission dont une partie est menacée est en soi illicite (par exemple une attaque physique). Le second se réfère à la situation dans laquelle l’acte ou l’omission menaçant est en soi licite, mais l’objectif poursuivi est illicite (par exemple l’introduction d’une action en justice à seule fin d’induire l’autre partie à conclure le contrat selon les termes proposés).
Illustration
1. A, qui n’a pas remboursé un prêt, est menacé par B, le prêteur, de poursuites en recouvrement. Le seul but de la menace est d’obtenir la location des entrepôts de A à des conditions particulièrement avantageuses. A signe le bail mais peut annuler le contrat.
3. Menace portant atteinte à la réputation ou à des intérêts économiques
Pour l’application du présent article, la menace ne doit pas nécessairement porter sur une personne ou des biens, elle peut également affecter la réputation ou des intérêts purement économiques.
Illustration
2. Devant la menace des joueurs d’une équipe de basket-ball de se mettre en grève s’ils ne reçoivent pas une prime très supérieure à celle convenue en cas de victoire lors des quatre dernières parties de la saison, le dirigeant de l’équipe accepte de payer la prime demandée. Le dirigeant peut annuler le nouveau contrat avec les joueurs parce que la grève aurait conduit automatiquement l’équipe à être reléguée dans une division inférieure et constituait par conséquent une menace grave et imminente pour la réputation et la situation financière du club.
1) La nullité du contrat ou de l’une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une partie lorsqu’au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage excessif à l’autre partie. On doit, notamment, prendre en considération:
a) le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de l’inaptitude à la négociation de la première; et
b) la nature et le but du contrat.
2) Le tribunal peut, à la demande de la partie lésée, adapter le contrat ou la clause afin de le rendre conforme aux exigences de la bonne foi en matière commerciale.
3) Le tribunal peut également adapter le contrat ou la clause à la demande de la partie ayant reçu une notification d’annulation pourvu que l’expéditeur de la notification en soit informé sans tarder et qu’il n’ait pas agi raisonnablement en conséquence. Le paragraphe 2 de l’article 3.2.10 est alors applicable.
COMMENTAIRE
1. Avantage excessif
La présente disposition permet à une partie d’annuler un contrat dans des cas où il y a une forte inégalité entre les obligations des parties qui donne à une partie un avantage excessif injustifié.
L’avantage excessif doit exister au moment de la conclusion du contrat. Un contrat qui, sans être exagérément inégal lors de sa conclusion, le devient plus tard peut être adapté ou il peut y être mis fin en vertu des règles sur le hardship contenues dans le Chapitre 6, section 2.
Comme le terme “excessif” le dénote, même une disparité considérable dans la valeur et le prix ou tout autre élément qui bouscule l’équilibre des prestations ne suffit pas à permettre l’annulation ou l’adaptation du contrat en vertu du présent article. Ce que l’on exige, c’est que le déséquilibre soit si grand dans les circonstances qu’il choque la conscience d’une personne raisonnable.
2. Avantage injustifié
L’avantage doit être non seulement excessif mais également injustifié. Pour savoir si cette condition est remplie, il faut évaluer toutes les circonstances pertinentes de l’espèce. Le paragraphe 1 du présent article fait en particulier référence à deux éléments qui méritent une attention spéciale à cet égard.
a. Pouvoir de négociation inégal
Le premier élément est qu’une partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de l’inaptitude à la négociation de l’autre partie (alinéa a)). En ce qui concerne la dépendance d’une partie par rapport à l’autre, la supériorité dans la négociation due aux seules conditions du marché n’est pas suffisante.
Illustration
A, propriétaire d’une usine automobile, vend une chaîne d’assemblage démodée à B, agence gouvernementale d’un pays désireux de constituer sa propre industrie automobile. Bien que A ne fasse aucune déclaration quant à l’efficacité de la chaîne d’assemblage, il parvient à fixer un prix qui est manifestement excessif. B, après avoir découvert qu’il a payé un montant qui correspond à celui d’une chaîne d’assemblage bien plus moderne, peut annuler le contrat.
b. Nature et but du contrat
La nature et le but du contrat (alinéa b)) constituent le deuxième élément qui mérite une attention spéciale. Il y a des situations dans lesquelles un avantage excessif n’est pas justifié même si la partie qui en tirera bénéfice n’a pas abusé de la situation inférieure dans les négociations de l’autre partie.
La question de savoir si tel est le cas dépendra souvent de la nature et du but du contrat. Ainsi, une clause contractuelle prévoyant un délai extrêmement court pour notifier les défauts des biens ou des services peut être ou non excessivement avantageuse pour le vendeur ou le fournisseur, selon la nature des biens ou des services en question. De même, les émoluments d’un représentant exprimés en termes de pourcentage fixe du prix des biens ou des services, bien que justifiés si le représentant a contribué de façon substantielle à la conclusion de la transaction et/ou si la valeur des biens ou des services concernés n’est pas très élevée, peuvent s’avérer constituer un avantage excessif pour le représentant si sa contribution est presque négligeable et/ou si la valeur des biens ou des services est extrêmement élevée.
c. Autres éléments
Il se peut qu’il faille prendre d’autres éléments en considération, par exemple les règles de conduite dans le commerce ou la branche considéré.
3. Annulation ou adaptation
L’annulation du contrat ou d’une clause en vertu du présent article est soumise aux règles générales posées aux articles 3.2.11 à 3.2.16.
Toutefois, à la demande de la partie qui peut annuler le contrat, le tribunal peut, conformément au paragraphe 2 du présent article, adapter le contrat afin de le rendre conforme aux exigences de la bonne foi en matière commerciale. De façon analogue, conformément au paragraphe 3, la partie qui reçoit une notification d’annulation peut également demander une telle adaptation pourvu qu’elle informe l’expéditeur de la notification de sa demande sans tarder après avoir reçu la notification, et avant que celui-ci n’ait agi raisonnablement en conséquence.
Après une telle demande de l’autre partie, la partie qui était en droit d’annuler perd le droit d’annuler le contrat et la notification antérieure d’annulation est sans effet (voir l’article 3.2.10(2)).
Si les parties sont en désaccord quant à la procédure à adopter, il appartiendra au tribunal de décider si le contrat doit être annulé ou adapté et, en cas d’adaptation, quelles sont les clauses concernées.
1) La victime du dol, de la contrainte, de l’avantage excessif ou de l’erreur imputables à un tiers, ou qui sont connus ou devraient être connus d’un tiers, pour les actes dont l’autre partie répond, peut annuler le contrat au même titre que si ces vices avaient été le fait de l’autre partie elle-même.
2) La victime du dol, de la contrainte ou de l’avantage excessif imputables à un tiers pour les actes dont l’autre partie ne répond pas, peut annuler le contrat lorsque l’autre partie avait, ou aurait dû avoir, connaissance de ces vices ou que, au moment de l’annulation, elle n’a pas agi raisonnablement en se prévalant des dispositions du contrat.
COMMENTAIRE
Le présent article traite des situations, fréquentes en pratique, dans lesquelles un tiers a été impliqué ou a interféré dans le processus de négociation, et la cause d’annulation lui est d’une façon ou d’une autre imputable.
1. Tiers de qui une partie répond
Le paragraphe 1 concerne les cas dans lesquels le dol, la contrainte, l’avantage excessif ou l’erreur d’une partie est causé par un tiers pour les actes dont l’autre partie répond, ou les cas dans lesquels le tiers n’a pas causé l’erreur mais était au courant de celle-ci ou aurait dû l’être. Une partie répond des actes d’un tiers dans toute une série de situations différentes allant de celles dans lesquelles cette personne est un représentant de la partie en question à celles dans lesquelles le tiers agit au bénéfice de cette partie sur sa propre initiative. Dans tous ces cas il semble justifié d’imputer à cette partie les actes du tiers, ou sa connaissance, réelle ou établie par déduction, de certaines circonstances, indépendamment de la question de savoir si la partie dont il s’agit était au courant des actes du tiers. 2. Tiers de qui une partie ne répond pas
Le paragraphe 2 traite les cas dans lesquels une partie est victime du dol, de la contrainte ou de l’avantage excessif ou est influencée de façon indue par un tiers pour les actes dont l’autre partie ne répond pas. Ces actes ne peuvent être imputés à la dernière partie que si elle en avait eu, ou aurait dû en avoir, connaissance.
Il y a cependant une exception à cette règle: la victime du dol, de la contrainte ou de l’avantage excessif est en droit d’annuler le contrat même si l’autre partie n’avait pas connaissance des actes du tiers, lorsque l’autre partie n’a pas agi raisonnablement en se prévalant des dispositions du contrat avant le moment de l’annulation. Cette exception se justifie parce que dans cette situation l’autre partie n’a pas besoin d’être protégée.
Le contrat ne peut être annulé lorsque la partie en droit de le faire confirme expressément ou implicitement ce contrat dès que le délai pour la notification de l’annulation a commencé à courir.
Commentaire
Le présent article pose la règle selon laquelle la partie en droit d’annuler le contrat peut le confirmer expressément ou implicitement.
Pour qu’il y ait une confirmation implicite, il n’est par exemple pas suffisant que la partie en droit d’annuler le contrat intente une action contre l’autre partie fondée sur l’inexécution des prestations de cette dernière. On ne peut supposer qu’il y a confirmation que si l’autre partie acquiesce à l’action ou si cette action a abouti.
Il y a également confirmation si la partie en droit d’annuler le contrat continue à exécuter ses obligations sans réserver son droit d’annuler le contrat.
1) En dépit de l’erreur autorisant une partie à annuler le contrat, celui-ci n’en est pas moins conclu tel que cette partie l’avait envisagé, si l’autre partie manifeste l’intention de s’y conformer ou qu’elle exécute ses obligations ainsi que la victime de l’erreur l’entendait. La partie qui entend agir de la sorte doit le faire promptement après avoir été informée de l’erreur commise par l’autre partie et avant que cette dernière n’ait donné raisonnablement suite à la notification d’annulation.
2) La victime de l’erreur perd alors le droit d’annuler le contrat et toute notification antérieure d’annulation est sans effet.
COMMENTAIRE
1. Exécution du contrat tel que la partie qui est en erreur l’avait envisagé
Conformément au présent article, la partie victime d’une erreur est privée du droit d’annuler le contrat si l’autre partie manifeste l’intention de se conformer au contrat ou d’exécuter ses obligations de la façon dont la victime de l’erreur avait compris ce contrat. L’autre partie peut avoir intérêt à le faire en raison du bénéfice qu’elle tire du contrat, même adapté.
Cette prise en compte des intérêts de l’autre partie ne se justifie que dans le cas d’une erreur et non d’autres vices du consentement (contrainte et dol) pour lesquels il serait extrêmement difficile d’attendre des parties qu’elles maintiennent le contrat.
2. Décision à prendre promptement
L’autre partie doit manifester sa décision de se conformer au contrat ou d’exécuter ses obligations après adaptation promptement après avoir été informée de la façon dont la victime de l’erreur avait compris le contrat. La question de savoir comment l’autre partie doit recevoir l’information concernant la compréhension erronée des clauses du contrat dépendra des circonstances de l’espèce.
3. Perte du droit à l’annulation
Le paragraphe 2 établit expressément qu’après la déclaration ou l’exécution de l’autre partie, la victime de l’erreur perd son droit d’annuler le contrat et toute notification antérieure d’annulation est sans effet.
Inversement, l’autre partie ne peut plus adapter le contrat si la victime de l’erreur a non seulement notifié l’annulation mais a aussi agi raisonnablement en conséquence.
4. Dommages-intérêts
L’adaptation du contrat par l’autre partie n’empêche pas la victime de l’erreur de demander des dommages-intérêts conformément à l’article 3.2.16 si elle a subi un préjudice que l’adaptation du contrat ne compense pas.
L’annulation du contrat par une partie se fait par voie de notification à l’autre.
COMMENTAIRE
1. L’exigence de notification
Le présent article établit le principe selon lequel le droit d’une partie d’annuler le contrat s’exerce par voie de notification à l’autre partie sans qu’un tribunal doive intervenir.
2. Forme et contenu de la notification
Le présent article ne prévoit aucune condition spécifique quant à la forme ou au contenu de la notification d’annulation. Il s’ensuit que conformément à la règle générale posée à l’article 1.10(1), la notification peut se faire par tout moyen approprié aux circonstances. En ce qui concerne le contenu de la notification, il n’est pas nécessaire que le terme “annulation” soit utilisé, ni que les motifs d’annuler le contrat y figurent expressément. Toutefois, à des fins de clarté, il serait judicieux qu’une partie expose certains motifs de l’annulation dans sa notification, bien qu’en cas de dol ou d’avantage excessif la partie qui invoque l’annulation puisse supposer que ces motifs sont déjà connus de l’autre partie.
Illustration
A, employeur de B, menace ce dernier de renvoi s’il ne lui vend pas une commode Louis XVI. B finit par accepter la vente. Deux jours plus tard, A reçoit une lettre de B lui annonçant sa démission et indiquant qu’il avait vendu la commode à C. La lettre de B constitue une notification suffisante d’annulation du contrat de vente avec A.
3. La notification doit avoir été reçue
La notification d’annulation prend effet lorsqu’elle parvient à l’autre partie (voir l’article 1.10(2)).
1) L’annulation doit être notifiée dans un délai raisonnable, eu égard aux circonstances, à partir du moment où la partie en droit d’annuler le contrat soit connaissait les causes de l’annulation ou ne pouvait les ignorer, soit pouvait agir librement.
2) Le délai de notification visant l’annulation d’une clause particulière du contrat en vertu de l’article 3.2.7 court à partir du moment où l’autre partie s’en prévaut.
COMMENTAIRE
Conformément au paragraphe 1 du présent article, l’annulation doit être notifiée dans un délai raisonnable à partir du moment où la partie en droit d’annuler le contrat soit connaissait les causes de l’annulation ou ne pouvait les ignorer, soit pouvait agir librement. De façon plus précise, la victime de l’erreur ou du dol doit notifier l’annulation dans un délai raisonnable à partir du moment où elle a eu connaissance de l’erreur ou du dol, ou ne pouvait les ignorer. Il en va de même en cas d’avantage excessif résultant de l’exploitation abusive de l’ignorance, de l’imprévoyance ou de l’inexpérience de la partie innocente. En cas de contrainte ou d’exploitation abusive de la dépendance, de la détresse économique ou de l’urgence des besoins de la partie innocente, le délai court à compter du moment où la partie victime des menaces ou de l’exploitation abusive peut agir librement.
En cas d’annulation d’une clause du contrat conformément à l’article 3.2.7, le paragraphe 2 du présent article prévoit que le délai de notification court à partir du moment où l’autre partie se prévaut de cette clause.
L’annulation se limite aux seules clauses du contrat visées par la cause d’annulation, à moins que, eu égard aux circonstances, il ne soit déraisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat.
COMMENTAIRE
Le présent article traite des situations dans lesquelles l’annulation ne concerne que les clauses du contrat visées par la cause d’annulation. Dans ces cas, les effets de l’annulation se limitent aux clauses visées à moins qu’il ne soit déraisonnable, eu égard aux circonstances, de maintenir les autres dispositions du contrat. Cela dépend habituellement de la question de savoir si une partie aurait ou non conclu le contrat si elle avait envisagé que les clauses concernées auraient été affectées par la cause d’annulation.
Illustrations
1. A, constructeur, convient de bâtir deux maisons sur les terrains X et Y pour B qui a l’intention d’en habiter une et de louer l’autre. B pensait à tort qu’il avait un permis de construire sur les deux terrains, alors que le permis ne couvrait en réalité que le terrain X. A moins que les circonstances n’indiquent le contraire, malgré l’annulation du contrat concernant la construction de la maison sur le terrain Y, il serait raisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat concernant la construction de la maison sur le terrain X. 2. La situation est la même que celle de l’Illustration 1 mais ici une école devait être construite sur le terrain X et des logements pour les étudiants sur le terrain Y. A moins que les circonstances n’indiquent le contraire, après l’annulation du contrat concernant la construction des logements sur le terrain Y, il ne serait pas raisonnable de maintenir les autres dispositions du contrat concernant la construction de l’école sur le terrain X.
L’annulation a un effet rétroactif.
COMMENTAIRE
Le présent article pose la règle que l’annulation a un effet rétroactif. En d’autres termes, le contrat est considéré comme n’ayant jamais existé. En cas d’annulation partielle en vertu de l’article 3.2.13, la règle ne s’applique qu’à la partie annulée du contrat.
Certaines clauses peuvent cependant survivre même dans des cas d’annulation totale. Les clauses d’arbitrage, de compétence et de choix de la loi applicable sont considérées comme différentes des autres clauses du contrat et peuvent être maintenues malgré l’annulation de l’ensemble du contrat ou de certaines de ses clauses. La question de savoir si ces clauses continuent en réalité à avoir des effets doit être déterminée par la loi interne applicable.
1) L’annulation permet à chaque partie de demander la restitution de ce qu’elle a fourni en exécution du contrat ou des clauses annulées, pourvu qu’elle procède simultanément à la restitution de ce qu’elle a reçu.
2) Si la restitution en nature s’avère impossible ou n’est pas appropriée, elle doit, si cela est raisonnable, être exécutée en valeur.
3) Celui qui a reçu l’exécution n’est pas tenu de restituer en valeur si l’impossibilité de restituer en nature est imputable à l’autre partie.
4) Une indemnité peut être demandée pour les frais raisonnablement nécessaires pour préserver ou conserver ce qui a été reçu.
COMMENTAIRE
1. Droit des parties à la restitution en cas d’annulation
En vertu du paragraphe 1 de cet article, chaque partie peut demander la restitution de ce qu’elle a fourni en exécution du contrat ou des clauses annulées. La seule condition est que chaque partie restitue ce qu’elle a reçu en exécution du contrat ou des clauses annulées.
Illustration
1. Lors d’une opération d’acquisition d’une société, l’actionnaire majoritaire A convient de vendre et de transférer à B des actions pour un montant de 100.000 GBP. Après avoir découvert que A avait altéré de façon frauduleuse l’état des profits réalisés par la société, B annule le contrat. B peut demander que lui soit restitué le prix d’achat de 100.000 GBP. En même temps, B doit restituer les actions qu’il a reçues de A.
Pour ce qui est des coûts impliqués par la restitution, l’article 6.1.11 s’applique.
2. Restitution en nature impossible ou inappropriée
La restitution doit normalement être effectuée en nature. Il y a, toutefois, des cas dans lesquels la restitution doit être exécutée en valeur. C’est le cas avant tout lorsque la restitution en nature est impossible. La valeur de la restitution équivaut normalement à la valeur de l’exécution reçue.
Illustration
2. A a chargé B de lui repeindre son usine. B a incité A par des moyens frauduleux à conclure le contrat à un prix bien plus élevé que le prix du marché. Après avoir découvert la fraude, A annule le contrat. A peut demander à B la restitution du prix, tout en étant lui-même dans l’obligation de payer la valeur des travaux de peinture effectués dans son usine.
Une indemnité est, en outre, prévue au paragraphe 2 de l’article lorsque la restitution en nature n’est pas appropriée. C’est notamment le cas lorsque la restitution en nature entraînerait des efforts ou des dépenses déraisonnables. Le critère dans ce contexte est le même que celui qui préside à l’article 7.2.2(b).
Illustration
3. L’antiquaire A a incité par des moyens frauduleux l’antiquaire B à lui acheter une collection de monnaies en or. Celles-ci ont été chargées sur un navire de B, qui a naufragé durant une violente tempête. Par la suite, B découvre la fraude et annule le contrat. B peut obtenir restitution du prix qu’il a payé, tout en devant lui-même verser une indemnité correspondant à la valeur des monnaies. Cela tient au fait que les frais à engager pour récupérer les monnaies du navire qui a naufragé excèderaient très largement la valeur de celles-ci.
La précision selon laquelle la restitution doit être exécutée en valeur “si cela est raisonnable”, est destinée à indiquer clairement qu’une telle restitution en valeur ne doit être faite que si, et dans la mesure où, l’exécution reçue constitue un avantage pour son bénéficiaire.
Illustration
4. A s’est engagé à décorer le hall d’entrée d’un centre d’affaires de B. Après que A ait réalisé environ la moitié des travaux de décoration, B découvre que A n’est pas le décorateur renommé pour qui il se faisait passer. B annule le contrat. Etant donné que les travaux de décoration qui ont été effectués ne peuvent pas être restitués, s’ils sont dépourvus de valeur pour B, A n’a pas droit à une indemnité pour les travaux effectués.
3. Répartition du risque
La règle contenue au paragraphe 2 implique une répartition du risque: elle impose au bénéficiaire de l’exécution une obligation d’effectuer une restitution en valeur s’il n’est pas en mesure de faire une restitution en nature. La règle du paragraphe 2 s’applique que le bénéficiaire de l’exécution soit ou non responsable de la détérioration ou de la destruction de ce qu’il a reçu. Cette répartition du risque de la détérioration ou de la destruction est justifiée en particulier par le fait que le risque doit être à la charge de la personne qui a le contrôle de l’exécution. En revanche, il n’y a pas d’obligation d’effectuer une restitution en valeur si la détérioration ou la destruction est imputable à l’autre partie, soit parce qu’elle a été causée par la faute de celle-ci, soit en raison d’un vice inhérent à l’exécution. C’est ce qui justifie la règle du paragraphe 3.
Illustration
5. Le marchand d’art A achète au marchand d’art B un tableau qu’ils croient tous deux être un Constable authentique. Par la suite, des doutes naissent sur l’authenticité du tableau. B s’engage à faire expertiser le tableau par C, un expert renommé. C confirme que le tableau est d’un peintre bien moins connu, mais contemporain de Constable. En raison de la faute de B, le tableau est détruit pendant son transport de chez C à A. A invoque la nullité du contrat pour cause d’erreur en vertu de l’article 3.2.2. A peut demander la restitution du prix d’achat, mais n’a pas à verser d’indemnité correspondant à la valeur du tableau.
L’obligation du bénéficiaire de payer la valeur de la prestation reçue n’est pas exclue lorsque la détérioration ou la destruction se serait également produite s’il n’y avait pas eu d’exécution.
Illustration
6. La société A vend et transfert un engin de terrassement à la société B. Le matériel est par la suite totalement détruit lors d’une tempête qui a inondé les terrains de A et B. B annule le contrat pour cause d’erreur en vertu de l’article 3.2.2. B peut réclamer le prix d’achat, mais, en même temps, il doit verser une indemnité correspondant à la valeur du matériel de terrassement.
L’obligation du bénéficiaire de payer la valeur de la prestation n’est pas non plus exclue lorsque son engagement a été déterminé par des manœuvres frauduleuses de l’autre partie.
Illustration
7. L’antiquaire A a obtenu par des moyens frauduleux de B, propriétaire d’un garage, d’échanger une voiture délabrée appartenant à A contre un vase grec ancien de valeur appartenant à B. La voiture est accidentellement détruite dans le garage de B. Si B annule le contrat sur le fondement de l’article 3.2.5, il peut demander la restitution du vase, mais il doit restituer la valeur de la voiture.
Tandis que l’article 3.2.5 vise à assurer que B n’est pas lié par le contrat qu’il a conclu (d’où le droit d’annulation) et qu’il n’a pas à supporter les conséquences de la mauvaise affaire que A l’a incité à conclure (d’où le droit à restitution), l’article 3.2.5 ne protège pas B contre les accidents.
La question de l’obligation du bénéficiaire de l’exécution de reverser la valeur de la prestation ne se pose que lorsque la détérioration ou la destruction intervient avant l’annulation du contrat. Si ce qui a été fourni en exécution du contrat est détérioré ou détruit après la résolution du contrat, le bénéficiaire de l’exécution doit restituer ce qu’il a reçu. Toute inexécution de cette obligation donne au cocontractant le droit de réclamer des dommages-intérêts conformément à l’article 7.4.1, sauf si l’inexécution est due à un cas d’exonération en vertu de l’article 7.1.7.
Illustration
8. Le marchand d’art A achète au marchand d’art B un tableau qu’ils croient tous deux être un Constable authentique. Il est ensuite établi que le tableau est d’un peintre bien moins connu mais contemporain de Constable, et A annule le contrat pour cause d’erreur sur le fondement de l’article 3.2.2. De ce fait, A peut réclamer le prix d’achat mais il est tenu de restituer le tableau. Avant que A ait pu restituer le tableau, celui-ci est volé. Le droit de B à des dommages-intérêts dépend de la question de savoir si le vol peut être considéré comme un cas de force majeure (voir l’article 7.1.7).
4. Indemnité pour des frais afférents à l’exécution
Si le bénéficiaire de l’exécution a engagé des frais pour la conservation ou l’entretien de l’objet de l’exécution, il est raisonnable de permettre au bénéficiaire de réclamer une indemnité pour ces frais lorsque le contrat a été annulé et que, de ce fait, les parties sont tenues de restituer ce qu’elles ont reçu.
Illustration
9. La société A a vendu et remis un cheval de course à la société B. Après quelque temps, B réalise que A a dissimulé la lignée véritable du cheval. B annule le contrat. B peut demander des dommages-intérêts pour les frais encourus pour l’alimentation et les soins du cheval.
Cette règle s’applique seulement aux frais raisonnables. Pour déterminer ce qui est raisonnable, il sera tenu compte des circonstances de l’espèce. Dans l’Illustration 9, il sera pertinent de savoir si le cheval a été vendu comme cheval de course ou comme cheval de ferme ordinaire.
Il ne peut pas être demandé d’indemnité pour des frais qui ne sont pas nécessaires à la conservation ou à l’entretien de l’objet de l’exécution, même s’ils sont raisonnables.
Illustration
10. La société A a vendu et remis à la société B un logiciel dont les deux parties croient qu’il possède une certaine fonctionnalité. Lors-que B découvre que ce n’est pas le cas, il demande à C d’examiner si cette fonctionnalité peut encore être intégrée. Puisqu’il apparaît que ce n’est pas possible, B annule le contrat pour erreur en vertu de l’article 3.2.2. B ne peut pas obtenir remboursement de A des honoraires qu’il a payés à C au titre des frais visés au paragraphe 4.
5. Profits
Les Principes ne prennent pas position sur les profits réalisés par suite de l’exécution, ou sur les intérêts qui auront été gagnés. Dans la pratique commerciale, il sera souvent difficile de déterminer la valeur des profits réalisés par les parties à raison de l’exécution. En outre, souvent, les deux parties auront réalisé de tels profits.
Que le contrat ait été annulé ou non, la partie qui connaissait ou aurait dû connaître la cause d’annulation est tenue à des dommages-intérêts de manière à replacer l’autre partie dans l’état où elle se serait trouvée si le contrat n’avait pas été conclu.
COMMENTAIRE
1. Dommages-intérêts si l’autre partie connaissait la cause d’annulation
Le présent article prévoit qu’une partie qui connaissait ou aurait dû connaître la cause d’annulation est tenue à des dommages-intérêts à l’égard de l’autre partie. Le droit à des dommages-intérêts existe indépendamment du fait que le contrat ait ou non été annulé.
2. La mesure des dommages-intérêts
A la différence des dommages en cas d’inexécution mentionnés au Chapitre 7, Section 4, les dommages-intérêts envisagés par le présent article visent simplement à replacer l’autre partie dans l’état où elle se serait trouvée si le contrat n’avait pas été conclu.
Illustration
La société A vend un logiciel à la société B et ne pouvait pas ignorer l’erreur de B quant au caractère approprié pour l’usage voulu par ce dernier. Que B annule ou non le contrat, A est tenu à des dommages-intérêts envers B pour toutes les dépenses encourues par lui pour former son personnel à l’utilisation du logiciel, mais pas pour le préjudice subi par B en conséquence de l’impossibilité d’utiliser le logiciel pour le but proposé.
Les dispositions du présent Chapitre s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à toute communication d’intention qu’une partie adresse à l’autre.
COMMENTAIRE
Le présent article tient compte du fait qu’en dehors du contrat à proprement parler, les parties échangent souvent, avant ou après la conclusion du contrat, un certain nombre de communications d’intention qui peuvent également être frappées d’invalidité.
Dans un contexte commercial, l’exemple le plus important de communications unilatérales d’intention qui sont externes, mais préparatoires, à un contrat sont les offres d’investissement, de travaux, de livraison de marchandises ou de fourniture de services. Les communications d’intention faites après la conclusion d’un contrat prennent des formes variées comme des notifications, des déclarations, des demandes et des requêtes. En particulier, les renonciations et les déclarations par lesquelles une partie assume une obligation peuvent être affectées par un vice du consentement.