CHAPITRE 3 - SECTION 1

CHAPITRE 3 - VALIDITÉ - SECTION 1: DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Le présent Chapitre ne traite pas de l’incapacité des parties.

COMMENTAIRE

Le présent article indique clairement que les motifs d’invalidité qui figurent dans les divers systèmes juridiques nationaux ne relèvent pas tous du champ d’application des Principes. C’est en particulier le cas de l’incapacité des parties. Cette exclusion tient à la fois à la complexité inhérente aux questions de statut juridique et à la manière extrêmement différente dont ces questions sont traitées dans le droit interne. En conséquence, des questions telles que celle de l’ultra vires continueront d’être régies par la loi applicable.

Pour ce qui est du pouvoir des organes, gérants ou associés d’une entreprise, ou toute autre entité légale, dotée ou non de la personnalité morale, d’engager leurs entités respectives, voir le Commentaire 5 à l’article 2.2.1.

Pour conclure, modifier un contrat ou y mettre fin, il suffit de l’accord des parties et de lui seul.

COMMENTAIRE

Le but du présent article est d’énoncer clairement que le seul accord des parties suffit à la validité de la conclusion, de la modification ou de la révocation amiable d’un contrat, sans aucune autre condition que l’on trouve dans certains droits internes.

1. Absence de nécessité de consideration

Dans les systèmes de common law, la “consideration” est habituellement considérée comme une condition préalable de la validité ou de l’exécution d’un contrat ainsi que pour la modification ou la révocation du contrat par les parties.

Toutefois, cette exigence revêt dans la pratique commerciale une importance pratique minime car, dans ce contexte, les obligations sont presque toujours assumées par les deux parties. C’est pour cette raison que l’article 29(1) de la CVIM rend superflu l’exigence de “consideration” pour la modification et la révocation par les parties des contrats dans la vente internationale de marchandises. Le fait que le présent article élargisse cette approche à la conclusion, à la modification et à la révocation par les parties des contrats du commerce international en général ne peut qu’entraîner une plus grande sécurité et une diminution des litiges.

2. Absence de nécessité de cause

Le présent article exclut également l’exigence de la “cause” qui existe dans certains systèmes de droit civil et dont la fonction est à certains égards similaire à la “consideration” de la common law.

Illustration

1. A la demande de son client français A, la banque B octroie une garantie à première demande en faveur de C, partenaire commercial de A en Angleterre. Ni B ni A ne peuvent invoquer l’absence éventuelle de “consideration” ou de cause pour la garantie.

Il convient de noter cependant que le présent article ne traite pas des effets qui peuvent dériver des autres aspects de la cause tels que son illégalité (voir le Commentaire 2 à l’article 3.1.3).

3. Tous les contrats sont consensuels

Quelques systèmes de droit civil ont retenu certains types de contrats réels, à savoir les contrats conclus seulement par la remise effective des biens concernés. De telles règles ne sont pas facilement compatibles avec les conceptions et la pratique moderne des affaires et sont par conséquent exclues par le présent article.

Illustration

2. Deux hommes d’affaires français, A et B, se mettent d’accord avec C, promoteur immobilier, pour lui prêter 300.000 EUR le 2 juillet. Le 25 juin A et B informent C que, de façon inattendue, ils ont besoin de cet argent pour leurs propres affaires. C a droit au prêt bien que celui-ci soit généralement considéré comme un contrat réel en France.

1) Le seul fait que, lors de la conclusion du contrat, l’une des parties était dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations ne porte pas atteinte à la validité du contrat.

2) Il en est de même si, lors de la conclusion du contrat, l’une des parties ne pouvait disposer des biens qui en faisaient l’objet.

COMMENTAIRE

1. Exécution impossible depuis le début

Contrairement à un certain nombre de systèmes juridiques qui considèrent comme nul un contrat de vente si les biens spécifiques vendus avaient déjà disparus au moment de la conclusion du contrat, le paragraphe 1 du présent article, conformément aux tendances les plus modernes, établit en termes généraux que le seul fait que, lors de la conclusion du contrat, l’une des parties était dans l’impossibilité d’exécuter ses obligations ne porte pas atteinte à la validité du contrat.

Un contrat est valable même si les biens qui en font l’objet avaient déjà disparus lors de la conclusion du contrat; en conséquence, l’impossibilité initiale d’exécution est assimilée à l’impossibilité survenant après la conclusion du contrat. Les droits et obligations des parties résultant de l’incapacité d’une partie (ou éventuellement même des deux) d’exécuter ses obligations sont à déterminer conformément aux règles en matière d’inexécution. On attache par exemple un juste poids, en vertu de ces règles, au fait que le débiteur (ou le créancier) avait déjà connaissance de son impossibilité d’exécuter lors de la conclusion du contrat.

La règle posée au paragraphe 1 enlève également tout doute éventuel quant à la validité des contrats pour la livraison des futures marchandises.

Si une impossibilité initiale d’exécution est due à une prohibition légale (par exemple un embargo sur les exportations ou les importations), la validité du contrat dépend de la question de savoir si, en vertu de la loi établissant la prohibition, celle-ci est entendue comme invalidant le contrat ou comme en prohibant simplement l’exécution.

Le paragraphe 1 s’éloigne par ailleurs de la règle que l’on trouve dans quelques systèmes de droit civil en vertu de laquelle l’objet d’un contrat doit être possible.

Le paragraphe s’écarte également de la règle de ces mêmes systèmes qui exige l’existence d’une cause puisque, dans un cas d’impossibilité initiale, la cause de la contre-prestation fait défaut (voir l’article 3.1.2).

2. Défaut de titre de propriété ou de pouvoir

Le paragraphe 2 du présent article traite des cas dans lesquels la partie qui promet de transférer ou de livrer les biens ne pouvait en disposer parce qu’elle n’avait pas de titre de propriété ou de droit de disposition lors de la conclusion du contrat.

Quelques systèmes juridiques déclarent nul un contrat de vente conclu dans de telles circonstances. Ainsi, comme dans le cas de l’impossibilité initiale, et pour des raisons encore plus convaincantes, le paragraphe 2 du présent article considère comme valable un tel contrat. En effet, une partie contractante peut, et c’est souvent le cas, acquérir un titre de propriété ou un droit de disposition sur les biens en question après la conclusion du contrat. Si tel n’est pas le cas, les règles en matière d’inexécution s’appliqueront.

Il faut distinguer les cas dans lesquels le pouvoir de disposition fait défaut de ceux dans lesquels la capacité fait défaut. Ces derniers sont relatifs à certaines incapacités d’une personne qui peuvent affecter tous les contrats conclus par elle ou au moins certains, et ne relèvent pas du champ d’application des Principes (voir l’article 3.1.1).

Les dispositions relatives au dol, à la contrainte, à l’avantage excessif et à l’illicéité contenues dans le présent Chapitre sont impératives.

COMMENTAIRE

Les dispositions du présent Chapitre relatives au dol, à la contrainte, à l’avantage excessif et à l’illécité ont un caractère impératif. Il serait contraire à la bonne foi pour les parties d’exclure ou de modifier ces dispositions lors de la conclusion de leur contrat. Toutefois, rien n’empêche la partie en droit d’annuler le contrat en raison du dol, de la contrainte, ou de l’avantage excessif de renoncer à ce droit lorsqu’elle connaît les faits véritables ou peut agir librement.

 

D’un autre côté, les dispositions du présent Chapitre relatives à la force obligatoire du seul accord, à l’impossibilité initiale ou à l’erreur ne sont pas impératives. Ainsi les parties peuvent réintroduire des conditions spéciales de droit interne telles que la “consideration” ou la cause. Elles peuvent également convenir que leur contrat sera nul en cas d’impossibilité initiale, ou que l’erreur de l’une des parties n’est pas une cause d’annulation.